Carrière Lance Henriksen
Pouvez-vous nous parler de Harbinger Down d’Alec Gillis, dans lequel vous avez récemment tourné ?
C’est un projet qui me tient à coeur, et il devrait être complètement fini en février ou mars. C’est un film d’horreur à l’ancienne. Quand je dis à l’ancienne, je ne veux pas dire ringard et bâti sur des formules fatiguées. C’est très clairement un hommage à l’ère des eigthies.
La bande-annonce évoque The Thing de John Carpenter.
Oui, en effet. Le monde du cinéma a beaucoup changé pour les acteurs. Et ce film est plein d’acteurs, chacun a un rôle très précis à jouer, et leurs interactions donnent quelque chose de très intéressant. J’interprète le capitaine d’un navire spécialisé dans la pêche au crabe. Un homme simple, qui connaît la valeur du travail. Il sait reconnaître quelqu’un de bien, comme il sait reconnaître un escroc. Sa vie est très directe. Son équipage est très riche en termes de personnalité. Chaque acteur apporte sa patte, et il n’y a pas de relation générique dans le film. C’est vraiment cool. Quand la situation déraille, au moment où quelque chose sort de nulle part, chacun a des réactions bien à lui. Encore une fois, il ne s’agit vraiment pas d’un film de monstre générique et bas du front.
Vous avez interprété plus de 200 rôles, pour des films, téléfilms, séries télévisées et même jeux vidéo. Comment expliquez-vous cette impressionnante activité ?
L’explication est intime, mais je vous permets de la publier. Les raisons qui me poussent à faire un film sont toujours personnelles. Pour chaque film que je tourne, je fais beaucoup de recherches au préalable, je travaille les dialogues au point de les connaître par coeur… Mais même en ayant joué autant de personnages auparavant, au début de chaque projet, j’ai l’impression que je fais ce métier pour la toute première fois. Je repars à zéro. Cette attitude est primordiale : elle m’aide à observer sans idées préconçues ce qui se passe autour de moi sur le plateau, je regarde ce que font les autres comédiens, les membres de l’équipe, et j’accepte tout en bloc. J’accepte la personnalité de ces artistes et techniciens. Si je croise un vrai connard, je me dis : « Eh, il y a des connards dans le monde. Et alors ? ». Quand on commence avec cet état d’esprit, en cultivant une certaine gratitude pour sa position, on travaille beaucoup mieux. J’adore les acteurs, j’apprécie ce qu’ils endurent. Les observer m’aide à garder une fraîcheur dans ce que je fais. Je peux jouer un prêtre, un père, un grand-père, un fils, peu importe. Je prends ce qui vient, sans me fier à ce qui a précédé. C’est ma méthode. Je préfère être ainsi, aventureux, plutôt que de devenir un professionnel blasé. Je ne veux pas être le mec qui dit : « Je vais faire mon truc à moi, je n’ai pas besoin de vous. ». Je ne peux pas vivre comme ça. Et voilà, donc, pourquoi je parviens à travailler autant. Je vois les autres acteurs comme des compagnons d’aventure. Tout est une histoire d’alchimie. Qu’ils jouent quelqu’un d’amoureux ou de colérique, ils résonnent en moi. Je leur réponds. J’aime les accidents, j’aime aussi les acteurs qui ont du mal avec leur texte et n’arrivent pas à mémoriser leurs lignes. J’aime les acteurs qui savent ce qu’ils font et me surprennent. Je suis toujours en quête de surprise. Si je m’y prends correctement, je parviens à canaliser mon personnage. Je ne sais pas exactement d’où ça vient, mais je me retrouve à incarner ce personnage. Je connais bien la sensation qu’on a quand on canalise un rôle. Vous avez déjà remarqué, en politique, quand un sujet important arrive sur le devant de la scène, tout le monde se dirige dessus. En même temps. Vous pouvez avoir une réflexion à Paris que je vais partager depuis Los Angeles. Ça, c’est canaliser. À ce propos, j’aime beaucoup la pensée française, et la façon que vous avez de l’exprimer. J’ai travaillé avec François Truffaut un jour.
Oui, sur Rencontres du troisième type.
Exactement. Un jour il m’a dit quelque chose qui a beaucoup résonné en moi. Quand je l’ai rencontré, je ne lui ai rien dit, mais j’adorais l’un de ses films, Les 400 coups. Quand je l’ai vu au cinéma, je me suis demandé : « Pourquoi quelqu’un a-t-il eu l’idée de réaliser un film sur ma vie ? ». C’était ma vie ! J’étais ému aux larmes. Je n’ai cependant jamais mentionné ce film auprès de Truffaut. Nous avons parlé de Jules et Jim, plutôt. À la fin du tournage de Rencontres du troisième type, qui a duré plus de six mois, François m’a donné une copie du scénario des 400 coups. Il m’a dit : « Tiens, c’était un de mes premiers films. ». Il avait vu que je ne quittais jamais le plateau, j’étais toujours à deux pas de Steven Spielberg, avec les autres acteurs. Il m’a dit : « Tu es et seras toujours le gosse des 400 coups. ». Je suis retourné dans ma caravane avec le scénario entre les mains, et j’ai pleuré. Il m’avait vu. Quelqu’un m’avait vraiment vu. Ce n’est pas ce qu’on veut tous ? C’était vraiment très généreux de sa part, et ça m’a profondément ému.
Pourquoi êtes-vous devenu acteur ? Quel a été l’élément déclencheur ?
J’ai grandi à New York. À neuf ans, je cirais des chaussures. Je donnais la moitié de l’argent que je gagnais à ma mère, et avec l’autre moitié, je me payais une place de cinéma. Je me souviens être allé voir un jour Le Grand Caruso. Mario Lanza jouait le personnage de Caruso. Le film durait une heure trente et dans ce laps de temps, on le voyait jeune homme, il était découvert pour son talent, il avait du succès, il rencontrait l’amour de sa vie, l’épousait, devenait ensuite super célèbre, et à la fin du film, son cou explose et il meurt. La lumière est revenue dans la salle de cinéma, et je me suis dit : « Oh mon Dieu ! ». Ça m&rsqu [...]
Il vous reste 70 % de l'article à lire
Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.
Découvrir nos offres d'abonnement