Change of Mind erre dans les limbes depuis sa distribution en 1969 et y passera probablement le restant de ses jours, jusqu’à ce que le cinéma meure. Et pourtant, même s’il ne s’agit pas d’un de ces soi-disant chefs-d’oeuvre oubliés, ce drame
de science-fiction constitue une surprise de taille. Pour la toute première fois de l’Histoire du 7e Art, le cerveau d’un Blanc est transplanté dans le corps d’un Noir et Robert Stevens, réalisateur de la chose, accouche quelque part (et très certainement) de l’arrière-grand-père du très prisé Get Out de Jordan Peele.
L’illusionniste et le pantin. Le ventriloque et sa poupée. L’homme et son double. Un sujet mille fois rabâché. Pourtant, avec Magic, tiré du roman de William Goldman, Richard Attenborough réussit avec brio un effrayant tour de passe-passe qui continue de diviser ses partisans et détracteurs. Trop mélo pour les uns, pas assez fantastique pour les autres – et vice versa –, ce quatrième film du réalisateur et acteur britannique ne s’apprivoise pas aussi facilement qu’on pourrait le croire. « Nous, c’est toi ! » Une histoire d’amour et de mort qui révéla au passage l’immense talent d’Anthony Hopkins.
Souvent cité, notamment par Guillermo del Toro, mais très peu montré, Even the Wind Is Afraid n’a profité d’aucune édition DVD ou Blu-ray digne de ce nom. Pourtant, l’oeuvre marque l’entrée du cinéma fantastique mexicain dans la modernité. Succédant à la vague gothique du début des années 60, ce premier film de fantôme de Carlos Enrique Taboada, à l’atmosphère particulièrement envoûtante, attend patiemment une résurrection qui, décidément, tarde à venir. Que viva Mexico !
Quand Lesley Selander, le plus prolifique réalisateur de westerns de l’Histoire, tourne un film de vampire pour un studio fauché, cela donne l’une des séries B les plus inhabituelles des années 40. Écrit par Leigh Brackett, scénariste qui se rendra responsable de la première mouture de L’Empire contre-attaque, The Vampire’s Ghost délocalise pour le meilleur le mythe du suceur de sang en terre africaine. Décomplexé, inventif et envoûtant, un film d’horreur à l’impeccable sobriété, et beaucoup plus progressiste qu’il n’y paraît.
On ne compte plus les adaptations d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, que ce soit pour le grand ou le petit écran. Pourtant, il en est une qui continue, de projection en projection, à traumatiser nos chères têtes blondes. Loin, très loin du gentil dérapage poétique de Walt Disney, l’Alice du Tchèque Jan Svankmajer s’appréhende comme son antithèse et glisse volontiers vers un surréalisme à tendance morbide. Un premier long-métrage récompensé par le Grand Prix au Festival du Film d’Animation d’Annecy en 1989.
Avec The Killing of America, Leonard Schrader et Sheldon Renan unissaient leurs forces pour le meilleur du pire. Radical, ultra violent et désespéré, ce mythique documentaire, réalisé en 1981, observe à la loupe le déclin des États-Unis d’Amérique à travers un impressionnant montage d’images d’archives et d’interviews tout simplement stupéfiantes. De l’assassinat de John F. Kennedy aux exactions d’Edmund Kemper, terrifiant tueur en série, en passant par diverses tueries de masse, voici un aller simple vers l’enfer… sans aucun espoir de retour
Pour son premier film, Francis Girod porte à l’écran un fait divers aussi sordide qu’authentique et brosse le portrait d’une France cupide qui se remet à peine de la Première Guerre mondiale. Aussi sulfureux qu’un bain d’acide, aussi burlesque que scabreux, Le Trio infernal fracasse les poncifs du cinéma français du milieu des années 70 tout en giflant en pleine face armée, église, bourgeoisie et politique. Suicidaire et salutaire !
Il aura fallu attendre une décennie entière pour que soit officiellement distribué en vidéo ce très curieux The Poughkeepsie Tapes, premier film d’horreur des frères Dowdle à qui l’on doit En quarantaine, l’inutile remake de [Rec]. Bâti sur le modèle du documentaire meurtrier, ce found footage résolument dérangeant retrace le parcours sanglant d’un serial killer pris de velléités de mise en scène. Perturbant à plus d’un titre, le résultat s’appréhende comme un essai organique centré autour des centaines de VHS filmées par le tueur lui-même.
Les voies de la distribution sont pour le moins impénétrables. Contre toute attente, Carnage, petit slasher du début des années 80, refait surface sur le grand écran à peine quelques mois après sa sortie en Blu-ray. Une belle occasion de revenir sur la production qui marqua les débuts des tumultueux frères Weinstein. S’il n’est ni le plus original, ni le meilleur du genre, le film de Tony Maylam en demeure l’un de ses échantillons les plus soignés. Souvenirs, souvenirs…
Trente-sept ans après sa réalisation, Multiple Maniacs refait surface dans une splendide édition en disque bleu orchestrée par le prestigieux label Criterion. Quand le caviar se déguste dans la fange. Un événement qui souligne à merveille l’ironie d’une époque capable d’offrir un écrin des plus luxueux au plus sauvage des films de l’incorrigible John Waters. Une inoubliable cavalcade absurde, horrifique et féroce pour un premier vrai long-métrage qui convoque Charles Manson, Herschell Gordon Lewis et Pier Paolo Pasolini.
Fascinant et résolument envoûtant. En cherchant à profiter du succès de Dracula et de Frankenstein produits par la Universal, le studio Warner provoquait avec Docteur X la naissance de l’horreur moderne. Au programme : cannibalisme, viol, mutilation, nécrophilie et touche coquine, drapés dans un somptueux Technicolor bichrome. Un cas atypique toutes époques confondues, qui permit au versatile Michael Curtiz de réaliser son premier film d’horreur.
Satan’s Black Wedding et Criminally Insane : deux expérimentations difficiles à apprivoiser venues des glorieuses seventies. Elles sont l’oeuvre d’un certain Nick Millard, cinéaste capable de combiner l’étrangeté d’un Ed Wood Jr. à la rapidité d’un Jess Franco.
D’un côté, Son of Ingagi (1940), premier film d’horreur au casting entièrement composé d’acteurs afro-américains. De l’autre,
The Blood of Jesus (1941), premier film fantastique mis en scène par un réalisateur afro-américain. Un double Toute Première Fois et l’occasion d’évoquer la carrière de Spencer Williams, scénaristes des deux films comptant parmi les « granddaddy »
de la blaxploitation.
Disons-le d’emblée, La Boîte à chat n’est pas un bon film. Pourtant, ce mélodrame traité à la manière d’un thriller psychosexuel surprend encore 50 ans après sa réalisation. Atmosphère trouble et poisseuse et sujet d’actualité brûlant. D’un côté, le réalisateur vétéran Mark Robson renoue avec une certaine forme d’horreur ; de l’autre, le jeune scénariste Larry Cohen, dont ce sont ici les premiers pas, crée la panique en spéculant deux heures durant sur la mort d’un nouveau-né. Un film monstre et mutant illustrant la décadence hollywoodienne de la fin des années 60.
Un fait divers sordide, son adaptation très libre, des plaintes judiciaires et un remake qui n’en est pas tout à fait un... Peut-on penser aujourd’hui The Town That Dreaded Sundown versions 1976 et 2014 comme une entité à part entière ? Deux films qui n’en feraient qu’un. Une toute première fois on ne peut plus particulière qui débute en 1946 et s’achève en 2014.
Au début des années 90, Julio Medem, le plus basque des réalisateurs espagnols, représentait une alternative de choix face à l’hégémonie du surexposé Pedro Almodóvar. Son Écureuil rouge, qu’il réalise en 1993, est bel et bien là pour le prouver. Cet insensé jeu de pistes, placé sous haute influence hitchcockienne, ne ressemble à rien de connu. Surréaliste, ludique, sensuel et rêveur, l’ambitieux et mystérieux écheveau n’en finit pas de fasciner.
Inclassable et authentiquement bizarre. Shanks : une comédie macabre, une fantaisie horrifique issue de la rencontre de deux univers séparés par le Grand Canyon. D’un côté, la poésie naïve du roi des pantomimes, Marcel Marceau. De l’autre, l’épouvante bon marché du monarque du gadget publicitaire, William Castle. À l’arrivée, un stupéfiant objet filmé non identifié qui offrait au mime Marceau un premier grand rôle qu’il ne serait pas près d’oublier.
Ses histoires sont pleines de fantaisie et d’imagination. Ses univers insolites et surréalistes font craquer les gamins et leurs parents. Pourtant, quand Roald Dahl s’adonne au thriller gothique, cela donne The Night Digger, un étrange objet macabre, pervers et effrayant né d’une idylle entre un écrivain et une actrice au bout du rouleau.
Si l’on se réfère à sa filmographie, Nicholas Ray n’aurait jamais réalisé de film fantastique. Mais si l’on considère que tout est une question de perspective, l’impeccable Derrière le miroir peut aisément se regarder comme une version contemporaine particulièrement incisive de Dr Jekyll et M. Hyde.
Cinglante satire sociale et efficace thriller horrifique. La Semaine d’un assassin ou Cannibal Man. Deux titres, deux facettes pour un film contestataire qui s’attira les foudres de la censure espagnole au début des années 70. Son réalisateur, Eloy de la Iglesia, sautait à pieds joints dans le plat de viande et observait d’une méchante manière cette Espagne en pleine mutation, mais toujours sous le joug du général Franco. Une rocambolesque affaire qui ne fut pas du goût du pouvoir en place.
Des cannibales dans le métro londonien, et un coup de maître pour un premier film. Au début des années 70, en totale rupture avec l’horreur british made in Hammer, Le Métro de la mort, alias Death Line, alias Raw Meat, tordait le cou aux conventions tout en affichant clairement un discours contestataire. Lutte des classes et horreur : l’Américain Gary Sherman poursuivait là la révolution amorcée par George Romero et sa Nuit des morts-vivants. Attention à la fermeture des portes… C’est parti !
Quand on ne possède qu’un titre, une poignée de dollars et pas de scénario, le mieux est encore de marcher sur les traces d’une référence de l’horreur à petit budget. Children Shoudn’t Play With Dead Things capitalise paisiblement sur le succès de La Nuit des morts-vivants afin de tracer sa route sur la fine ligne qui sépare horreur et comédie. Résultat : un classique du film de drive-in qui inaugure la versatile carrière de l’insaisissable Bob Clark.
Un épisode fameux de l’Histoire coloniale des États-Unis, une chasse aux sorcières au propre comme au figuré, une pièce de théâtre à haute teneur contestataire, son adaptation française au cinéma financée en grande partie par l’Allemagne communiste et des liaisons fatales made in Hollywood. Il n’y a pas à dire, LES SORCIÈRES DE SALEM, quasiment invisible aujourd’hui, est l’une des plus rocambolesques et édifiantes affaires du cinéma français.
Peu connu dans nos régions, injustement rangé dans la case mélodrame ou, plus justement, dans celle du thriller psychologique, LA MAISON ROUGE s’est très vite retrouvé condamné à perpétuité pour cause de classicisme. Il aura donc fallu attendre qu’un certain Martin Scorsese mentionne ce joyau noir de l’après-guerre pour voir enfin sa peine levée. LA MAISON ROUGE,
où quand le réalisateur Delmer Daves, réputé pour ses westerns progressistes, façonne un conte gothique marécageux, un presque film d’horreur aux envoûtantes saveurs vénéneuses.
Loufoque, fantasque, grotesque, déroutant, stimulant et énervant, IDENTIKIT ne ressemble à rien de connu. Ce n’est ni une réussite absolue, ni un raté excentrique, ni une oeuvre d’art brut. Ça pourrait être un giallo sans les meurtres, aussi bien qu’une réflexion métaphysique sur la solitude et la folie. Mais ce très étrange film de Giuseppe Patroni Griffi est avant tout un one woman show, celui d’Elizabeth Taylor, une star américaine essoufflée et parachutée dans un Rome de mauvais rêve.