
Réalisé par Steve McQueen, écrit par Steve McQueen et Enda walsh
01H40 min
Avec: Michael Fassbinder (vu dans 300, Eden Lake et bientôt dans le prochain Tarantino), Liam Cunningham, Stuart Graham,
Liam McMahon....
Je sors de l'avant première.
Vidéaste reconnu, Steve McQueen livre son premier long métrage avec Hunger (Caméra D'Or à Cannes cette année pour ceux qui auraient loupé) en préparation depuis 5ans. 5 ans concrètement mais lors de cette avant première le réalisateur nous a expliqué que c'est à 11 ans, devant les images d'un gréviste de la faim, qu'il a réellement pris conscience de la situation politique de son pays; et de ces prisonniers de l'IRA qui sont au cœur de Hunger.
On entend souvent parlé de "grosse claque" pour décrire des films qui n'en méritent pas tant. Sans aimer ce poncif de la critique, là la réflexion semble appropriée tellement je trouve dur d'en parler à chaud; cela faisait longtemps qu'un film ne m'avait laissé une telle impression.
Et je pense pouvoir en dire autant de (presque) toute la salle.
1981, dans la prison de Maze en Irlande du Nord, en pleine grève "des couvertures et de l'hygiène" (refus des condamnés à se laver, à accepter de porter l'uniforme de prisonnier et donc refus d'accepter simplement leur condition de prisonniers), McQueen décrit la "cohabitation" entre matons et détenus dans une première partie.
S'ouvrant sur le matin de Raymond Lohan, gardien, cette première 1/2 heure rejoint ensuite Davey Gillen, fraichement débarqué, contraint de partager la cellule de Gerry Campbell. Compagnons de cellule, de mouvement, d'idées.
Le quotidien, les brimades, les révoltes, la colère puissante des gardiens et celle étouffée, retenue de ces membres de l'IRA; tout ceci est filmé avec une beauté plastique rare. On sent chaque plan réfléchi, et le silence pesant de cette prison (très peu de dialogues) contraste autant qu'il souligne la violence de ce film.
Violent et calme, réaliste (presque documentaire parfois dans son approche) et imagé (certains plans reflètent le passé de vidéaste du réalisateur par leur construction), épuré et généreux, Hunger n'en est jamais pourtant paradoxal. Il est tout à la fois.
McQueen joue avec les répétitions, ces petits gestes répétés et mis en scène qui soulignent la dureté de cet univers carcéral, les relations haineuses.
Peu de dialogues, tout se passe dans les regards, les gestes (les scènes de parloir, celles de fouille ou "d'hygiène imposée).
Jouant avec nos sensations (dureté des coups, sécheresse des sentiments, suivies d'instants calmes, presque oniriques), le film n'est jamais gratuit dans sa violence; elle est "nécessaire" car bien réelle,vécue par ses prisonniers.
A mi chemin, une scène. Une scène dont on se souviendra longtemps. Un dialogue entre Bobby, incarcéré avec Davey et Gerry, et un prêtre qui le connait.
25min en peu de plans (dont un de 15min), le film tourne ici. Non sans humour, le prisonnier et l'homme d'église confrontent leurs idées, leur vision du monde dans lequel ils évoluent. Bobby annonce son intention d'entamer une grève de la faim qui, il l'espère, fera réagir le peuple, les politiques.
Une dernière partie, quasi muette, et le film se conclut dans la cruauté comme dans la beauté, comme il a commencé.
Je précise que même pour les non initiés aux événements politiques qu'à connu l'Irlande aux débuts des 80'S, McQueen avec des annonces pré et post métrage, et au travers des dialogues, livre au spectateur suffisamment d'informations pour ne pas être perdu dans les enjeux.
Et cet accroche, pfff. Elle livre tout le film.