Toute première fois N°316

Alice

On ne compte plus les adaptations d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, que ce soit pour le grand ou le petit écran. Pourtant, il en est une qui continue, de projection en projection, à traumatiser nos chères têtes blondes. Loin, très loin du gentil dérapage poétique de Walt Disney, l’Alice du Tchèque Jan Svankmajer s’appréhende comme son antithèse et glisse volontiers vers un surréalisme à tendance morbide. Un premier long-métrage récompensé par le Grand Prix au Festival du Film d’Animation d’Annecy en 1989.
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N’allez surtout pas croire qu’il s’agit là d’un coup d’essai, d’une toute première fois sortie du chapeau comme par magie. D’ailleurs, peu de réalisateurs tchèques peuvent se targuer d’avoir acquis une telle notoriété avant de réaliser un premier long. Une notoriété qui dépassait largement les frontières de la Tchécoslovaquie. À vrai dire, son Alice représente l’aboutissement d’une carrière entamée 28 ans plus tôt. Lorsqu’il réalise son premier court-métrage en 1964, Jan Svankmajer n’a que 30 ans et Le Dernier truc de M. Schwarzwald et de M. Edgar dénote déjà dans le paysage. Dans ce dernier, de grotesques figures de papier mâché s’ouvraient et libéraient des violons ! Quelques années plus tard, dans L’Appartement, daté de 1968, les objets d’un logement, habités d’une vie propre, persécutent son locataire. Quant à L’Ossuaire (1970), c’est un face à face lyrique avec la mort où le cinéaste s’emploie à filmer les entassements géométriques d’ossements humains de l’ossuaire de Sedlec en Bohême. Magie, humour noir et un évident goût du macabre. Le bonhomme bâtira, de film court en film court – dont certain n’excédait pas la minute –, une oeuvre complexe et dense à haute teneur subversive. Svankmajer s’emploie à libérer le pouvoir de l’imaginaire tout en expérimentant chaque rouage du monde de l’animation. Papier découpé, objets en trois dimensions, poupées, marionnettes, dessin animé, prises de vues réelles : il teste, assemble, mélange, triture et fusionne les techniques, tel un apprenti sorcier pris d’une incontrôlable frénésie créative. Ce bouillonnement artistique trouve son origine dans l’enfance, un élément avec lequel l’animateur entretiendra toujours une relation ambivalente. Comme c’est étonnant ! Â l’âge de neuf ans, Jan dirigeait un petit théâtre de marionnettes que lui avaient offert ses parents. Les représentations se succédaient, aussi bien pour les gosses que pour les adultes. Ensuite, et pour aller vite, ce sera l’École des Arts Appliqués et l’Académie des Beaux-Arts de Prague en section « marionnette », une pratique traditionnelle en Tchécoslovaquie et très certainement la clef de son univers. Car contrairement aux autres cinéastes de sa génération, Svankmajer n’a jamais tenté de pénétrer une quelconque école de cinoche. « Je suis arrivé au cinéma par le théâtre et les arts graphiques. C’est pourquoi les impulsions de ma création viennent surtout de ces deux domaines. Au milieu des années 60, quand j’ai commencé à m’occuper de films, la fameuse école tchèque d&rsq [...]

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