Toute première fois N°313
The Poughkeepsie Tapes
Lorsque l’on écoute John Erick et Drew Dowdle évoquer, à grand renfort de sourires Colgate, la genèse de The Poughkeepsie Tapes, rien ne laisse présager la nature authentiquement étrange de leur rejeton. À vrai dire, ce détachement, cette distance qu’ils manifestent à l’égard de leur oeuvre fout presque autant les jetons que le film lui-même. Pour les deux frères, il ne s’agit là que d’un produit à petit budget destiné à surfer sur la vague du found footage qui fit couler tant d’encre au début des années 2000. À les entendre The Poughkeepsie Tapes ne serait qu’un direct-to-video de plus, le genre de film conçu pour une soirée bière-pizza entre potes. Les déclarations laissent songeur. Cynisme ? Indifférence ? Pointes d’humour tordu ? Difficile de le savoir. D’autant que The Poughkeepsie Tapes a eu le temps de construire sa propre histoire au cours de ses dix ans de purgatoire. Le 27 avril 2007, le petit film d’horreur est projeté pour la première fois publiquement au Festival du Film de Tribeca. Créée au lendemain des attentats du 11 septembre, la manifestation, qui célèbre la ville de New York, diffuse en majorité des films indépendants, des documentaires, des courts-métrages et des films de famille. Robert De Niro la soutient activement et Martin Scorsese préside le « Best of New York », l’une des nombreuses sélections de la programmation. Le festival propose aussi des projections de minuit. L’heure est tardive et The Poughkeepsie Tapes se répand sur l’écran. Même s’il ne trahit jamais sa nature de film de fiction – après tout, il y a un générique de fin en bonne et due forme qui crédite comme il se doit techniciens et acteurs –, le film des frères Dowdle marque durablement les rétines. Les segments tournés en VHS affrontent les images 35 mm du reste du long-métrage. Substance argentique contre matière magnétique, un match a priori déséquilibré, mais c’est pourtant le magnétique qui l’emporte. Sur l’écran, l’image ondule, les couleurs instables et dégueu varient du bleu au vert et quelques drops caractéristiques du support renforcent l’impression de réalisme. Dans le cadre, une jeune fille en culotte et soutien-gorge gonfle un énorme ballon de plastique et s’assied dessus. Un, deux, trois petits sauts et soudain, une voix saturée hurle un terrible « Écrase-le ! ». Dit comme ça, ça n’a l’air de rien, mais la scène est terrifiante. À l’issue de la projection, les spectateurs présents s’interrogent sur la nature de qu’ils viennent de voir, sur les intentions des frères Dowdle et sur cette culture du vide scénaristique. Il n’y a aucun scén [...]
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