Toute première fois N°311

Multiple Maniacs

Trente-sept ans après sa réalisation, Multiple Maniacs refait surface dans une splendide édition en disque bleu orchestrée par le prestigieux label Criterion. Quand le caviar se déguste dans la fange. Un événement qui souligne à merveille l’ironie d’une époque capable d’offrir un écrin des plus luxueux au plus sauvage des films de l’incorrigible John Waters. Une inoubliable cavalcade absurde, horrifique et féroce pour un premier vrai long-métrage qui convoque Charles Manson, Herschell Gordon Lewis et Pier Paolo Pasolini.
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Les riffs électriques d’une guitare blues soutiennent un générique qui se déroule maladroitement devant la caméra. Les crédits en lettres bâton noires tranchent résolument sur le blanc du papier peint bon marché utilisé pour l’occasion. Quelques corrections effectuées à la vite crèvent l’écran. Puis c’est l’entrée en scène du maître de cérémonie, Mr David : cheveux teints sur calvitie avancée et moustache taillée en un inénarrable V. Son manteau décoré de frous-frous argentés et son pantalon patte d’eph poutre apparente impressionnent autant que son débit de parole. Son microphone n’est relié à aucun amplificateur, mais Mr David s’en moque. Il harangue la foule d’une banlieue façon classe moyenne de Baltimore et promet beaucoup. Attirés comme des papillons de nuit par l’ampoule d’un réverbère, ménagères, hommes d’affaires et banlieusards assistent au défilé de la perversion, « le spectacle le plus dépravé sur Terre ». Sous des tentes minables salies par la boue du terrain vague, les attractions se succèdent : le mangeur de vomi déguste ses propres renvois, un camé en pleine crise de manque grelote et tremblote, et deux hommes barbus se roulent tendrement des pelles sous le regard horrifié de la foule. Dans un coin, une jeune fille se fait lécher les aisselles par ses deux compagnons alors qu’une autre s’épanouit pleinement en promenant sa langue sur une selle de vélo. Cette perversion selon Saint John n’a toujours pas de nom. Sous sa guitoune, Lady Divine – une diva tout droit sortie d’un nu du XVIIe siècle pour certains, un travesti de 120 kilos pour d’autres – s’apprête à entrer en scène pour le bouquet final du show. Capture, vol et meurtre des spectateurs médusés. Le ton est donné. C’est radical, féroce et très drôle. Le grain de la pellicule est épais et la diction des comédiens approximative. Nous sommes en 1969 et Multiple Maniacs ne ressemble à rien de connu. Ni à un film d’exploitation fauché, ni à un film expérimental arty.


COLLAGE GLUANT
Il est l’oeuvre de John Waters, un jeune cinéaste d’à peine 23 ans. Depuis le milieu des années soixante, le bonhomme apporte sa modeste contribution à l’Histoire du cinéma en tournant courts et moyens-métrages, d’abord en Super 8 puis en 16 mm. Dans Hag in a Black Leather Jacket (1964), une Blanche se marie avec un Noir sur le toit d’une maison, sa dot est une benne à ordures et c’est un membre du Ku Klux Klan qui célèbre leur union. Deux ans plus tard, le récidiviste accouche de Roman Candles, un parcours du combattant qui en usa plus d’un, puisque durant [...]

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