Toute première fois N°308
En 1985, un petit film indépendant tourné en douze jours crée la surprise. Dans Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, une jeune femme de couleur jongle avec trois amants : black is beautiful ! Stupéfaction et coup de théâtre. En trois critiques et deux festivals, Spike Lee devient l’initiateur du cinéma afro-américain. Une sorte de nouveau messie que l’on ne tarde pas à surnommer – de la plus bête des manières – le « Woody Allen noir ». Or, le cinéma afro-américain n’est pas né dans un chou ou une rose, il n’a pas éclot avec Spike Lee ou les fortes têtes issues de la UCLA. Pour compenser, certains s’empressent d’évoquer ces cinéastes rebelles du milieu des années 70 comme Charles Burnett ou Julie Dash. Killer of Sheep (1975) de Burnett montre un fier ouvrier épuisé par son emploi dans un abattoir. Engagement politique, réalisme et furieuse indépendance. Toujours dans un souci de pondération, d’autres en appellent au courant blaxploitation qui électrisa les salles de la première moitié des années 70. Le détective privé Shaft y dézinguait des policiers blancs corrompus. Très vite, Cleopatra Jones, Foxy Brown, Coffy, Blacula et les autres s’invitèrent au bal et tous les genres furent mis à la sauce blaxploitation : western black, horreur black, film de gangsters black, comédie black, film d’action black et même péplum black avec le très curieux La Révolte des gladiatrices (1974). Nonchalance sensuelle, pantalons pattes d’eph’, poutre apparente et bande originale funky gorgée de soul, pour aller vite. Il n’empêche que derrière la caméra, à quelques exceptions près (Melvin Van Peebles, Gordon Parks Jr.), la blaxploitation fut une très lucrative affaire de visages pâles. Un juteux marché qui froissait quand même l’image du héros noir progressiste popularisée par Hollywood dans les années 60. Hollywood qui se rachetait là une conduite après avoir véhiculé pendant des décennies cliché raciste sur cliché raciste.
LA MAISON DE L’HORREUR
Le courant, le mouvement – appelez-le comme vous voudrez – a pris son essor dès le milieu des années 1910. Ce qui, grosso modo, correspond à la multiplication des salles de cinéma ségrégationnistes. La Cour Suprême l’a bien spécifié quelques années auparavant : les Noirs et les Blancs sont égaux, mais séparés. La bonne blague ! Du coup, un marché s’ouvrait. À peu de frais, il était désormais possible de gagner un petit billet en produisant des films aussi militants que récréatifs à destination de la communauté noire. Des producteurs de couleur ou pas, des réalisateurs blancs, des acteurs noirs en plein turbin. Entre 1915 et 1952, pas loin de 500 films dits « raciaux » vont être produits et exploités, principalement dans les salles du sud des États-Unis. Cette flotte bâtie sur des budgets riqu [...]
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