Toute première fois N°304

Shanks

Inclassable et authentiquement bizarre. Shanks : une comédie macabre, une fantaisie horrifique issue de la rencontre de deux univers séparés par le Grand Canyon. D’un côté, la poésie naïve du roi des pantomimes, Marcel Marceau. De l’autre, l’épouvante bon marché du monarque du gadget publicitaire, William Castle. À l’arrivée, un stupéfiant objet filmé non identifié qui offrait au mime Marceau un premier grand rôle qu’il ne serait pas près d’oublier.

Pantalon blanc, marinière et caraco gris, silhouette filiforme et athlétique, visage peint en blanc. Reconnaissable entre tous, le mime Marceau popularisait son mouvement « la marche contre le vent » en Europe et aux États-Unis. L’hurluberlu blafard engageait jusqu’au plus petit muscle de son corps pour donner forme à l’invisible. Des pantomimes et des mimodrames à travers le monde : le succès est fulgurant. Marcel Marceau abolit les frontières de la langue et peut se produire dans n’importe quel endroit du globe, puisque tout le monde le comprend. Son alter ego, Bip, personnage qu’il crée en 1947, n’a comme équivalent que le Charlot de Chaplin. Chaplin justement, parlons-en. Plus qu’une influence, c’est un modèle, un exemple, un guide. Des shows, des spectacles et des galas aux autres coins du monde. La petite lucarne invite souvent le Pierrot lunaire à interpréter ses morceaux de bravoure, mais le grand écran lui demeure inaccessible. Au milieu des années cinquante, avec ses premières tournées nord-américaines, Marceau marche sur les traces de l’idole Chaplin. Mais Hollywood le boude et, à vrai dire, personne ne sait comment utiliser les talents du mime. Marcel Marceau a beau être l’un des artistes les plus connus et reconnus du moment, les producteurs ne voient en lui qu’une grande gigue au visage blafard. Au mieux, il pourrait être utilisé comme un gadget opportun, un clin d’oeil bienvenu. Roger Vadim lui offrira le rôle du professeur Ping dans son lysergique Barbarella (1968) et Mel Brooks lui fera prononcer la seule ligne de dialogue de La Dernière folie de Mel Brooks (1976), un « Non ! » devenu historique. D’un petit rôle à une fugace apparition : une carrière météorique. Pourtant, entre les deux, il y eut l’occasion Shanks.

 

MARIONNETTISTE SOURD ET MUET

Shanks, un projet emmené par un jeune producteur, Steven North, au printemps de l’an de grâce 1972. Quelque part, une chance inespérée pour Marceau de jouer un premier grand rôle. North était devenu selon ses dires producteur « par accident » après avoir commis quelques mises en scène au théâtre. C’est d’ailleurs par ce biais qu’il fait la connaissance de l’Écossais Ranald Graham. À l’époque, ce dernier vivote à la télévision en tant que scénariste sur une série de documentaires sportifs. Cherchant à sortir de l’ornière, Graham fait parvenir un court récit à North. The Death of Beethoven raconte l’histoire de Malcolm Shanks, un jeune apprenti de dix ans qui ranime le cadavre de son maître et le dirige comme une marionnette. Après réécriture, le gamin fait place à un marionnettiste sourd et [...]

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