Toute première fois N°296

Identikit

Loufoque, fantasque, grotesque, déroutant, stimulant et énervant, IDENTIKIT ne ressemble à rien de connu. Ce n’est ni une réussite absolue, ni un raté excentrique, ni une oeuvre d’art brut. Ça pourrait être un giallo sans les meurtres, aussi bien qu’une réflexion métaphysique sur la solitude et la folie. Mais ce très étrange film de Giuseppe Patroni Griffi est avant tout un one woman show, celui d’Elizabeth Taylor, une star américaine essoufflée et parachutée dans un Rome de mauvais rêve.
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Identikit, cela veut dire « portrait-robot » dans la langue de Shakespeare. Il est donc tout à fait logique que le terme ait été choisi comme titre italien. Inutile de dire que ceci ne nous sera d’aucune utilité pour la suite. En revanche, il est bon de savoir qu’Identikit est une production italienne datée de 1974 qui disparut aussi vite que l’éclair de la complexe cartographie cinéphile. Du film, on ne sait rien ! Ou presque. Le tournage s’est déroulé à Munich et à Rome durant l’été et l’automne 1973 et c’était la première fois que la star Elizabeth Taylor apparaissait dans une production 100 % étrangère. 

MY TAYLOR IS RICH 
Le 20 mai 1974, une armée de smokings, de noeuds pap’ et de robes de soirée se répand dans Monte-Carlo. À seulement quelques encablures de là, le Festival de Cannes bat son plein. Mais l’événement ne se trouve pas sur les marches du Palais. La diva Taylor fait des siennes et contre-programme Identikit : une avant-première en grande pompe en forme de gala de charité, puisque les bénéfices de la soirée doivent être reversés à la Croix Rouge. L’actrice s’était fait une spécialité du levage de fonds. Les époux Rainier ont mis les petits plats dans les grands et Grace de Monaco, anciennement Grace Kelly, sublime égérie d’Alfred Hitchcock, tentait probablement de filer un coup de main à la Taylor. Pourtant, à l’issue de la projection, la gêne le dispute à l’embarras. Applaudissements timides et polis, puis le silence. Le lendemain, Identikit est officiellement classé « plus mauvais film d’Elizabeth Taylor ». Aujourd’hui, il tient encore la pole position malgré quelques tentatives de réhabilitation, notamment par Bruce LaBruce, réalisateur des sulfureux Hustler White et L.A. Zombie. Bref, dans les semaines qui suivent la catastrophique projection, la rumeur enfle. Elizabeth Taylor chercherait par tous les moyens à interdire la diffusion de celui que l’on ne nomme pas. À vrai dire, elle n’aura pas à forcer. Que ce soit en Italie ou aux États-Unis, la distribution d’Identikit est un fiasco. Aucun distributeur n’arrive à vendre correctement la chose, peu aidée il est vrai par des critiques courtoises mais assassines. En France, il demeure désespérément inédit. L’exploitation de film appelle obligatoirement le label au cul du poulet. Thriller ou film d’auteur ? Entre les deux, mon coeur balance. Identikit, ou l’art d’avoir le cul entre deux, trois voire quatre chaises. À l’aube de la distribution de masse, les éditions VHS et DVD anéantissent tout espoir de seconde carrière. Recadré, délavé, dénaturé et dispo pour 99 cents, Identikit est un prince maudit des bacs à soldes, une ruine magnifique régulièrement vandalisée par les fans de la Liz et quelques scribouillards appâtés par l’odeur de giallo. À croire que les zozos n’avaient jamais jeté un oeil sur L’Oiseau bleu (1976 [...]

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