Toute première fois N°293

Les Yeux de l’enfer

Premier film d’horreur de l’Histoire du cinéma canadien, LES YEUX DE L’ENFER, plus connu sous son titre original THE MASK, mérite amplement son statut d’objet contre-nature. Porté à bout de bras par une bande de mercenaires, ce curieux essai horrifique, partiellement filmé en relief, utilise les ficelles du cinéma d’exploitation pour mieux expérimenter et occasionnellement débattre des dangers de l’addiction. Si ce n’est déjà fait : PUT THE MASK NOW !

Deux publicitaires, un exploitant de salles, un documentariste, un pionnier de la musique électronique, une pointure du trucage expérimental et un spécialiste du procédé relief. Les sept mercenaires en action réunis autour d’une simple idée. Celle d’un film qui alternerait séquences 2D et 3D. Un concept bizarre, presque saugrenu et anachronique. Le cinéma en relief avait connu son heure de gloire au milieu des années 50. Natural Vison, StereoVision, Dynoptic 3-D, Future Dimension, Stereo-Cine, Paravision et tous les autres : les procédés rivalisaient de « réalisme’ » pour en coller plein la poire aux spectateurs. Comédies musicales, westerns, polars, films d’horreur et de science-fiction, à petits ou gros budgets, qu’importe le genre du moment qu’on ait la hauteur, la largeur et surtout la profondeur. Au tout début des années 60, le relief n’était plus qu’un gadget tape-à-l’oeil synonyme de migraines carabinées. Pourtant, Frank Taubes et Sandy Haver, les deux publicitaires new-yorkais, sont convaincus de l’originalité de leur proposition chic et pas chère. De plus, le tandem est persuadé que les passages de la deuxième à la troisième dimension peuvent faire partie intégrante du scénario. L’idée : chausser et déchausser ses lunettes 3D à des moments précis. Des séquences de rêve, par exemple. Interactivité et immersion maximale du spectateur. Put the mask on now ! PUT THE MASK ON NOW ! 


DU RELIEF ! DU RELIEF ! 

En toute logique, le Canadien Nat Taylor aurait dû refuser la proposition fantaisiste. Les pieds vissés sur terre, Taylor s’emploie depuis plusieurs années à développer l’industrie du cinéma canadien. Le bonhomme a débuté sa carrière en 1918 en vendant des cartes postales, avant de devenir gérant de salles de cinéma. Puis dans les années quarante, il crée le magazine Canadian Film Weekly dans lequel il exhorte le gouvernement à participer financièrement à la fabrication de films. Enfin, en 1959, il ouvre ses propres studios connus sous le nom de Toronto International Film Studios Inc. pour aussitôt essuyer un échec cuisant avec The Bloody Brood (1959), un thriller situé dans le milieu beatnik réalisé par un certain Julian Roffman. Ce dernier essayait tant bien que mal de se sortir de l’ornière du film documentaire dans laquelle il s’était engagé. Pas facile, surtout quand on sait que l’Office National du Film du Canada, bailleur de fonds non négligeable, est un organisme fédéral relevant du Ministère du Patrimoine, qui s’efforce de présenter un point de vue typiquement canadien au reste du monde par le biais de documentaires à caractère social, ou bien de fictions alternatives. Roffman voyait en Taylor sa planche de salut. Inversement, Taylor considérait à juste titre Roffman comme un faiseur expérimenté, habile et rapide, sachant se débrouiller avec peu de moyens, école du documentaire oblige. Manque de pot, Julian Roffman est loin, très loin d’être un adepte du cinéma en relief, qui n’est d’ailleurs pour lui qu’un pourvoyeur de mau [...]

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