
Toute première fois N°292
Le Monde sur le fil
Un café quelque part dans Paris. Peut-être en 1972… Mais rien n’est moins sûr. En terrasse, au soleil, c’est là que les esprits s’éveillent. À moins que ce ne soit à l’intérieur, dans le brouhaha des conversations soutenues et les « chtoinnnng » et les « bling » du flipper. Assis à une table, le scénariste et acteur Fritz Müller-Scherz noircit frénétiquement des pages. De temps en temps, il se lève et apporte la liasse de papiers à une table voisine. Rainer Werner Fassbinder lit, corrige et retouche. Pendant ce temps, Müller retourne à son bureau. Chtoinnnng ! Bling, bling, bling ! Woooooooozzz ! Patron, la même ! Le manège continue une bonne partie de la journée. Müller crayonne deux ou trois séquences à la suite. Pas plus. Quelques mois auparavant, le cinéaste Fassbinder s’est passionné pour un roman, Simulacron 3, rédigé en 1964 par Daniel F. Galouye. L’écrivain a lâché l’idée démente d’un monde simulé par un super calculateur. Il n’était pas le seul puisqu’à la même époque, le romancier Phillip K. Dick s’interrogeait lui aussi sur les apparences de la réalité. Mais Müller et Fassbinder ont adoré Simulacron 3. Le premier a mâché le travail en numérotant comme un bon élève les scènes essentielles. Le second a imposé ce concept peu orthodoxe d’écriture à quatre mains. Le Monde sur le fil s’est forgé à raison de deux jours par semaine, de préférence le week-end, au café. Le reste de la semaine, Fassbi le magnifique est occupé par ses activités théâtrales. Sans oublier la mise en production de La Tendresse des loups d’Ulli Lommel, film qui s’inspire des crimes du serial killer Fritz Haarmann. Cinéma, théâtre et télévision : Fassbinder ne s’arrête jamais, continuellement sur la brèche. Cours Fassbi, cours ! D’autant que tu as fait le pari de réaliser 30 films avant l’âge de 30 ans. D’ailleurs, pour gagner, tu tricheras d’un an sur ta date de naissance. Il n’empêche qu’avec Le Monde sur le fil, le turbulent cinéaste se heurte au problème de la durée. Il lui est rigoureusement impossible d’adapter le roman de Galouye en 90 petites minutes. Mais qu’importe ! Si ce n’est pas pour le cinéma, ce sera pour la télévision. Le bonhomme glisse aisément de l’un à l’autre et s’est déjà prêté au jeu de la série télé, notamment avec Huit heures ne font pas un jour, feuilleton en cinq épisodes sur les amours et soucis quotidiens de familles d’ouvriers. Mais l’affaire est ici radicalement différente puisqu’il s’agit de science-fiction, et plus particulièrement de la représentation d’un univers virtuel, sy [...]
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