Toute première fois N°289

La Fleur de pierre

Premier long-métrage en couleurs de l’Histoire du cinéma russe, LA FLEUR DE PIERRE attend depuis des décennies que Dame Reconnaissance frappe enfin à sa porte. Conte féérique à la beauté tétanisante, cette profonde réflexion sur la perfection artistique révèle toute l’étendue du talent de magicien du camarade Aleksandr Ptushko, qui anticipe les recherches visuelles de Mario Bava tout en prolongeant la magie Disney.

Ici, là, maintenant, en ce moment et pour la plupart d’entre nous, le nom d’Aleksandr Ptushko n’évoque quasiment rien. Même pas une marque de vodka. Quelque part, il s’agit d’un drame, ou plutôt d’une histoire triste qui n’a strictement rien de magique. Car Aleksandr Ptushko est probablement l’un des plus grands enchanteurs de l’Histoire du cinéma russe. Une sorte de Géo Trouvetou habité par une stupéfiante fièvre artistique. Peintre, sculpteur, animateur, scénariste, réalisateur, Magic Ptushko défiait les lois de l’optique et inventait d’invraisemblables paysages féériques. Ses panoramas étincelants, il les peuplait de génies des marais, d’esprits sylvestres ou de sages titans. Dans ses films, l’oiseau Phénix endort des armées, Gorynytch, le dragon à trois têtes, incendie des bataillons entiers de soldats belliqueux alors que les géants de pierre s’éveillent d’un sommeil ancestral. Quelques-uns de ses films ont traversé les frontières dans un long voyage depuis les steppes russes jusqu’à la vieille Europe et les nouveaux États-paraît-il-Unis. Affublés de doublages approximatifs, ils n’ont éveillé dans le meilleur des cas qu’une vague curiosité, contrairement aux oeuvres des « grands » comme Eisenstein ou Vertov. Un résumé un peu expéditif, peut-être, mais la vérité n’est pas très loin. Après tout, ce n’étaient que des contes pour enfants adoubés par Joseph Staline. Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Petit Père des Peuples s’est mis à éplucher, examiner et inspecter tout ce qui sortait de ses usines à rêves. Mais loin de toute contestation politique, Ptushko puisait son inspiration dans les légendes folkloriques du pays, transmises oralement durant des décennies. Au XIXe siècle, elles devinrent l’un des principaux sujets d’étude des philologues soviétiques, qui finirent par coucher sur papier ce que la parole avait perpétué au fil des âges. Ces contes serviront finalement de fondation à la littérature classique russe. Ainsi, en 1972, Ptushko adapte le poème épique d’Alexandre Pouchkine, Rouslan et Ludmila. Cinq ans plus tôt, il concevait les effets spéciaux dingos du stupéfiant Vij (de Konstantin Ershov et Georgi Kropachyov), inspiré par une nouvelle de Nicolas Gogol, elle-même très marquée par le folklore ukrainien. Le court et remarquable texte de Gogol avait déjà connu les honneurs du grand écran. D’abord en 1909 par le pionnier Vasili Goncharov puis en 1918 par le génial Wladyslaw Starewicz, inventeur du film de marionnettes animées image par image. C’est d’ailleurs grâce à ce genre extrêmement populaire en Union Soviétique qu’Aleksandr Ptushko fait ses premières armes.


MILLE CINQ CENTS MARIONNETTES

Avant cela, le bonhomme a &ea [...]

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