Toute première fois N°285
Le Charlatan
Difficile de raccrocher Le Charlatan à un courant, à une veine ou un genre. Difficile aussi de trouver les raisons qui ont pu motiver la mise en chantier d’un tel film. On aura beau prendre par n’importe quel bout ce singulier objet des années 40, le mystère reste entier. D’autant plus intrigant quand on sait que c’est la très conservatrice 20th Century Fox qui a accouché du projet. Née de la fusion du géant Fox Film et du studio indépendant 20th Century Pictures, la Fox met clairement en avant son goût pour le passéisme et les valeurs traditionnelles américaines. Il suffit de se pencher sur les filmographies de John Ford, Henry King ou encore Raoul Walsh pour s’en apercevoir. Même au temps du muet, un film comme le remarquable L’Aurore (1927) célébrait les vertus de la vie simple à la campagne. La ville y était dépeinte comme le repaire de tous les vices. En résumé, l’antithèse d’un studio comme Warner Bros qui, lui, s’était spécialisé dans une veine réaliste, notamment grâce à ses implacables films de gangsters. Paradoxalement, c’est le légendaire Darryl F. Zanuck, transfuge de la Warner, qui prend la direction des opérations à la Fox à partir de 1935 en tant que responsable de la production. Producteur de génie, Zanuck ferait passer le meilleur des cochons truffiers pour un escroc, tant le bonhomme possède un flair infaillible pour repérer scénaristes, réalisateurs, acteurs et bien sûr projets juteux. Pour la Warner, il produit les films de gangster Le Petit César (1931) et L’Ennemi public (1931), l’indispensable essai horrifique Docteur X (1932) ou encore l’excellente comédie musicale 42ème rue (1933). Pour la Fox, rien de moins que le très sombre Chasse à l’homme (1941), le drame social Les Raisins de la colère (1940) et le thriller maritime Lifeboat (1944). La liste est longue. Très longue. Zanuck réussira même l’exploit de s’accommoder de l’enfant star propriété de la maison, l’insupportable Shirley Temple ! Pourtant, Le Charlatan mettra à rude épreuve le don de clairvoyance du producteur.
SUPERSTITION RELIGIEUSE
En septembre 1946, Zanuck s’étrangla sûrement en apprenant qu’un de ses hommes de confiance, George Jessel, avait versé 50 000 dollars pour acquérir les droits d’un livre intitulé Nightmare Alley, sorti la même année. Un roman pas comme les autres, divisé en 22 chapitres, chacun illustré par une carte du tarot. L’histoire d’une déchéance. Celle de Stanton Carlisle, un bonimenteur de foire qui, après avoir obtenu le code secret d’un numéro de divination, l’utilise pour faire chanter la bonne société de Chicago. Ivre de pouvoir et d’argent, le malin devin s’associe à une psychiatre sans scrupule, histoire de parfaire son numéro d’escroc. Non seulement l’auteur du l [...]
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