Considéré par le vénérable British Film Institute comme l’un des meilleurs longs-métrages du cinéma britannique, défini par la revue Cinefantastique comme le Citizen Kane du film d’horreur, adoubé au sud, au nord, à l’est et à l’ouest par les tribus cinéphiles, prisé par les communautés néo-hippies, The Wicker Man ressort sur les écrans. Ce n’est pas une surprise. Depuis belle lurette, Dieu agonise et Dame Nature et ses divinités reprennent la tête du peloton. La faute, sans doute, à une époque opaque hantée par le spectre d’un effondrement économique et social. Si Dieu ne peut plus nous sauver, le pouvoir des fleurs le pourra peut-être. Bref, c’est le grand retour au terreau ancestral, aux racines pré-romaines et pré-saxonnes. Un come-back qui s’accompagne bien évidemment d’une certaine idée de la communauté, de rituels étranges et de coutumes ancestrales. Quoi qu’on pense du film, Kill List (2011) de Ben Wheatley et ses effrayants masques d’osier a donné le la. Avant lui, Le Village (2004) de M. Night Shyamalan et sa communauté isolée du reste du monde faisait figure de précurseur. Difficile, également, de penser que le très cinéphile Edgar Wright n’avait pas en tête le film de Hardy au moment d’imaginer l’immersion du flic de Hot Fuzz (2007) dans un petit village anglais un peu trop idyllique. Avec Le Bon apôtre (2018) et sa sinistre secte religieuse, Gareth Evans tracera le même sillon, avant que l’incantatoire Midsommar (2019) d’Ari Aster ne reprenne le flambeau. De son côté, la très récente série HBO/Sky The Third Day (2020) avec Jude Law confirme la tendance, sans même parler de l’inutile et épouvantable remake de The Wicker Man réalisé en 2006 par Neil LaBute. Tous ceux-là revendiquent haut et fort leur principale influence, alors que d’autres se font plus discrets et empruntent quelques notes de la bande originale pour les glisser à l’intérieur de leur film, comme ce fut le cas pour le Hostel (2005) d’Eli Roth. C’est un fait, depuis plusieurs décennies, The Wicker Man est bel et bien de retour sur les écrans sous de multiples formes. Le long-métrage de Robin Hardy est l’objet d’un culte qui ne cesse de s’étendre au-delà du simple cadre cinématographique. Du manga Berserk de Kentaro Miura au clip de Burn the Witch de Radiohead en passant par le Wickerman, festival de musique se déroulant en Écosse, ou même le Burning Man, célèbre rassemblement communautaire situé dans le désert du Nevada, on ne compte plus les clins d’oeil, hommages, emprunts, plagiats plus ou moins opportunistes, plus ou moins respectueux, plus ou moins conscients. Puis, dans le sillage de cet étonnant phénomène populaire, sont venus se greffer les ragots bizarres et les rumeurs étranges. Le chanteur Rod Stewart a-t-il vraiment essayé de racheter toutes les copies d’exploitation de The Wicker Man afin de dissimuler la plastique (fort avantageuse d’ailleurs) de sa compagne, l’actrice Britt Ekland ? Le négatif original du film a-t-il été littéralement enterré sous une portion de l’autoroute M3 ? Le Wicker Man (« l’homme d’osier ») du titre a-t-il été réellement mentionné dans un récit de Jules César ? Mieux encore, le film de Robin Hardy est-il responsable d’un renouveau païen dans l’île de Sa Majesté ? Autant de questions pour une multitude de réponses dont il faudra un jour démêler le vrai du faux. 



LES QUATRE DE L’APOCALYPSE 
En revanche, ce qui est sûr, c’est que The Wicker Man est né de la rencontre en 1971 entre l’acteur Christopher Lee, le scénariste, écrivain et dramaturge Anthony Shaffer et le producteur indépendant Peter Snell, autour du roman Ritual, un thriller fantastique teinté d’humour écrit par David Pinner en 1967. L’idée est simple : il s’agit pour les trois hommes de mettre sur la table 5000 livres chacun afin d’acquérir les droits du livre en vue de son adaptation pour le grand écran. L’histoire tourne autour d&rsquo [...]