THE NEON DEMON de Nicolas Winding Refn

The Neon Demon

Nicolas Winding Refn aura attendu son dixième film pour enfin s’attaquer au genre horrifique, qu’il affectionne par-dessus tout. THE NEON DEMON, qui s’annonce comme une plongée hypnotico-sanglante dans les coulisses du rêve hollywoodien version fashion, va-t-il secouer l’intelligentsia cannoise comme l’avait fait DRIVE, ou rencontrera-t-il une indifférence polie à l’image du mal-aimé ONLY GOD FORGIVES ? En attendant la réponse dans nos salles le 8 juin, tentons, en compagnie du réalisateur lui-même et de sa directrice de la photo Natasha Braier, de délimiter un peu plus les contours d’un long-métrage aussi intrigant qu’insaisissable…

Désormais, lorsqu’on parle du cinéma de Nicolas Winding Refn, son corpus de film s’impose tout autant à l’esprit que l’image du réalisateur lui-même. Le Danois semble en effet bien décidé à devenir une « marque », à l’instar de son collègue Quentin Tarantino, et son nom apparaît désormais un peu partout, que ce soit sur les collections d’affiches et de vinyles Mondo Graphic, dans les librairies à travers le livre L’Art du regard, dans les bonus DVD/Blu-ray (voir le singulier entretien entre lui et William Friedkin sur l’édition française de Sorcerer), dans le monde de la publicité où il officie désormais régulièrement… Pourtant, si le succès de Drive a fait du bonhomme un parangon du mouvement cool-geek, son film suivant, Only God Forgives, s’ingéniait à détruire le mythe Drive à grands coups de masculinité émasculée. Ce qui a, bien sûr, provoqué un rejet assez épidermique de toute une partie du public et de la critique qui, pensant voir Ryan Gosling fracasser des tronches en mode boxeur thaï romantique, a taxé le film de « coquille vide ». « Drive est en quelque sorte ma représentation de ce qu’est ou peut être la masculinité » raconte Refn. « Alors qu’Only God Forgives est un film sur la soumission, sur un homme qui est enchaîné à l’utérus de sa mère dominatrice, et qui voudrait y retourner. C’est l’exact opposé du héros de Drive. » Restait à savoir, après cet auto-sabotage finalement très audacieux, quelle direction allait dorénavant explorer Refn. Tenter l’aventure d’un grand studio hollywoodien ? Ou s’aventurer plus profondément dans les méandres d’un « cinéma d’auteur de genre » toujours plus clivant ? La réponse se trouve en fait dans la nature du montage financier dont jouit son nouvel effort, qui fait partie d’un deal de deux films (le premier étant Only God Forgives) avec les boîtes françaises Gaumont et Wild Bunch, qui lui donne une liberté quasi totale contre la promesse de dépenser un budget modeste (monté avec la participation du Danish Film Institute et de l’indépendant américain Bold Film) de six millions de dollars. Cette liberté, le cinéaste entend forcément l’utiliser pour un projet plus risqué, où il pourra continuer à étaler son fétichisme visuel et son goût pour la provoc’ et l’extrême. Et, du même coup, enfin se frotter au genre qui a fait naître sa vocation : l’horreur, lui qui avoue avoir compris que le cinéma pouvait être une oeuvre d’art en découvrant Massacre à la tronçonneuse durant sa jeunesse. 



SEIZE ANS D’ÂGE
Toutefois, Refn étant Refn, hors de question pour lui d’aborder le genre de façon servile : il lui faut trouver le terreau idéal qui lui permettra de canaliser son élan initial. « Même si ces quinze dernières années, j’ai noté beaucoup d’idées différentes pour un film d’horreur, je n’avais pas de point d’entrée, pas de point de sortie, et pas de toile de fond. » se rappelle-t-il. « J’ai donc mis cette envie en veilleuse pendant un long moment. Et c’est en faisant Only God Forgives que j’ai compris que Dieu avait un dessein plus important, car c’est là que j’ai eu l’idée de The Neon Demon : après avoir été le Driver, je suis retourné dans l’utérus de ma mère et je me suis vu renaître dans la peau d’une fille de 16 ans. Et c’est là que j’ai su que je tenais le personnage principal de mon film suivant. » Des propos typiques du metteur en scène de Pusher qui, à l’instar de son ami/mentor Alejandro Jodorowsky, aime saupoudrer ses interventions de quelques pincées de mysticisme derrière lesquelles il faut chercher des vérités artistiques plus pragmatiques. Heureusement, celles-ci ne tardent jamais à pointer le bout de leur nez : « Après avoir vécu à Bangkok pour Only God Forgives, ma femme Liv tenait à ce que nous partions vivre à Los Angeles. Du coup, il fallait que mon film suivant se déroule là-bas. Mais je n’avais pas encore d’idée précise. J’ai donc passé en revue les différentes ébauches d’histoire que j’avais en ma possession et j’en ai mélangé plusieurs, ce qui a abouti à une image d’ouverture qui s’est imposée à moi. Ensuite, j’ai réfléchi à la façon dont l’histoire devait se terminer. Une fois que tu as ça, tu as une ébauche de structure. » Reste à donner de la chair à cette structure, dans laquelle une jeune fille nommée Jesse (Elle Fanning), qui rêve de devenir mannequin à Los Angeles, va devenir la proie de top-modèles amatrices de chair fraîche dans une relecture moderne de la légende d’Élisabeth Báthory. Mais Refn a jus [...]

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