THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS de Colm McCarthy
The Last Girl - celle qui a tous les dons
Le concept de The Last Girl – celle qui a tous les dons est ouvertement carpenterien : un groupe de survivants doit pactiser avec un tueur sanguinaire pour échapper à des créatures indomptables. À la différence qu’ici, le protagoniste en question n’est pas un gros dur façon Napoleon Wilson, Snake Plissken ou James Desolation Williams. L’antihéros de The Last Girl est une jeune fille en apparence innocente, remarquablement polie et intelligente, que des soldats promènent ligotée à un fauteuil roulant, un doigt constamment posé sur la gâchette. Et pour cause : tout comme sa vingtaine de camarades, la petite a un fort penchant pour la chair humaine, dont le doux parfum la rend incontrôlable. Nous sommes quelques décennies dans le futur, dans la rase campagne anglaise, au creux d’une base militaire souterraine rappelant celle du Jour des morts-vivants. Comme dans le chef-d’oeuvre de Romero, scientifiques et officiers se chamaillent sur la marche à suivre, les uns voulant expérimenter sur les jeunes zombies tandis que les autres essaient de contenir la menace extérieure…
Écrit d’après son propre roman par Mike Carey, scénariste de BD émérite et auteur du jeu X-Men – Destiny (abandonné quelques mois seulement avant sa sortie par l’éditeur Activision), The Last Girl regorge de références aux codes du comic-book et du jeu vidéo. Outre ses références mythologiques (Prométhée et Pandore, dont la boîte est une figure centrale de l’intrigue), le film est à la fois un détournement des X-Men (l’ouverture se situe dans une « école » pour élèves surdoués et dangereux) et une transposition solide de Resident Evil ; bien plus tenue, en tout cas, que les épisodes officiels de Paul W.S. Anderson. On peut également remarquer l’influence (inconsciente ? cf. interview pages suivantes) du splendide The Last of Us, qui se focalisait déjà sur une orpheline préadolescente. En dépit de ce canevas référentiel, le réalisateur Colm McCarthy parvient à éviter l’écueil du délire geek. Le bonhomme est un vieux routard télévisuel : à 44 ans, il a déjà tourné plusieurs dizaines d’épisodes pour des séries comme Les Tudors,Doctor Who etSherlock. Mais surtout, il a réalisé en 2014 l’incroyable saison 2 dePeaky Blinders avec Sam Neill, Cillian Murphy et Tom Hardy, dont le dernier épisode avait peu à envier aux thrillers mafieux de Martin Scorsese. Pour son deuxième long-métrage après le méconnu Outcast, McCarthy assume son héritage feuilletonesque en créant une césure nette entre les trois actes du script : chaque nouveau chapitre propose une esthétique, un ton et un point de vue distincts, tout en assurant une vision d’ensemble parfaitement cohérente.
CANDEUR LÉTALE
Malin, le premier acte cultive l’empathie du public envers les fameux enfants, victimes d’une maltraitance ordinaire et inconfortable. La musique de Cristobal Tapia de Veer est à ce titre très pertinente : pour la plupart diffusés à l’envers, ses instruments et voix soulignent par leur étrangeté les apparences trompeuses de la caractérisation. L’empathie vole effectivement en éclats lorsque les mômes libèrent des pulsions létales, appâtés par un bout de chair dévoilé par l’un des soldats. À partir de cet instant, toutes les perspectives morales sont recevables : la rigidité d’un officier soucieux du protocole de sécurité, la froideur d’une doctoresse obsédée par la recherche d’un vaccin, la protection maternelle d’une enseignante idéaliste, et même les fringales sanglantes de Melanie, la jeune prodige du titre. Si la comédienne Sennia Nanua capture la candeur, la vivacité et le langage corporel ambigu du personnage, l’idée maîtresse est de l’enfermer derrière une muselière transparente digne de Hannibal Lecter, à travers laquelle on distingue un sourire innocent. Fait rare dans le sous-genre horrifique des enfants tueurs, on s’attache véritablement à ce petit démon en même temps que l’on craint ses débordements.
La structure du récit reste globalement classique : un événement perturbateur clôt violemment (et en plan-séquence) le premier acte, forçant une poignée de protagonistes à l’exil. Académique, le second acte sert surtout à expliquer ce qui était jusqu’alors implicite, c’est-à-dire la vraie nature des jeunes morts-vivants. Pour éviter de tomber dans des tunnels de palabres, McCarthy monte cette révélation en parallèle avec une scène d’angoisse conventionnelle du film de zombies, où un personnage explore fusil au poing des couloirs infestés de vermine. Mais c’est surtout [...]
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