TALE OF TALES de Matteo Garrone
Tale of Tales
POUR
« ZZZzzzzZZZ… » « Qu’est-ce que c’est chiant ! » « C’est si looooooong ! » « C’est beau, mais on s’emmerde… » Les inévitables avis à chaud au sortir de la projection cannoise épinglaient sans ménagement lalangueur de Tale of Tales, joli livre d’images dont les pages mettraient des plombes à se tourner. Vrai ? Ouais, mais pas totalement. Car si on peut effectivement reprocher à l’Italien Matteo Garrone une certaine préciosité ronflante dans la mise en place de ses trois intrigues (tirées des écrits de Giambattista Basile – en gros, un précurseur napolitain des frangins Grimm), lesquelles sont effectivement vouées à afficher une mécanique narrative répétitive, la croyance absolue du réalisateur en son projet frappe aussi dès les premières secondes. Académique, le gars ? Peut-être, mais surtout sacrément courageux : jamais dévoré par la luxuriance de son univers, Garrone s’emploie besogneusement à le dépeindre de la manière la plus organique possible, affirmant la prégnance du merveilleux et homogénéisant sa cohabitation, voire sa fusion, avec la vision « réaliste » d’un Moyen-âge qui suinte et qui pue. Certes, comme le souligne l’ami Gilles Esposito à côté, on pouvait s’attendre à un peu plus de fureur latine (comprendre plus de chair et de sang) de la part du réalisateur de Gomorra, très concentré sur les détails d’une direction artistique qui participe stratégiquement à l’immersion du spectateur. Maispas que : derrière cette opulence plastique aguicheuse – et dontl’artisanat de certains effets renvoie à un cinéma de fantasy plus primitif et incarné –, Garrone cogite à ce qui unit ses personnages dans leur quête d’idéal : la reine stérile (Salma Hayek), le seigneur queutard (Vincent Cassel), et le roi veuf (Toby Jones) sont autant confrontés à leur propre monstruosité (maternité castratrice, libido cannibale et égoïsme froid) qu’à leur plus grande – et insurmontable – crainte : la solitude. Car si toutes les « vraies » créatures sont ici affrontées avec courage et parfois succès (dragon, ogre, sorcière… le bestiaire est beau et généreux), c’est bien la peur de finir seul, sentimentalement déchu et dévoré par le vide, qui écrase chacun des protagonistes et leur impose une lutte perpétuelle, une apnée constante au coeurdes ténèbres. Et ce ne sont ni leur caste royale ni l’épaisseur de leur cuirasse qui les protègeront des coups pernicieux d’une solitude n’épargnant in fine rien ni personne.
Fausto FASULO
CONTRE
On craignait que Tale of Tales s’avère très académique, et il l’est effectivement, mais pas de la manière qu’on attendait. Ici, point de reconstitution dégoulinante de costumes amidonnés, décors chatoyants et autres paysages numériques. Au contraire, le résultat frappe par la vision d’un Moyen-âge assez nu et râpeux, obtenue grâce à une direction artistique misant pas mal sur les extérieurs réels et les créatures en animatronique. Cela n’empêche pourtant pas le film de paraître très terne, par la faute d’une démarche partant dans plusieurs directions sans s’engager vraiment dans aucune. De la truculence libertine ? Un peu, mais pas trop. Une exaltation des traditions populaires ? Un peu, mais pas trop. Des accès de gore ?Un peu, mais pas trop. Une peinture méchante des rigidités de la société médiévale ? Un peu, mais pas trop. On pourrait continuer la liste, et Tale of Tales se retrouve ainsi le cul assis entre cinq ou six chaises. Bref, en lieu et place de la pièce montée attendue, on a affaire à ce qu’on appelait jadis l’« euro-pudding ». À savoir ces coproductions européennes dotées d’assez gros budgets et tournées en anglais avec une distribution cosmopolite, et qui accouchaient souvent d’oeuvres impersonnelles fixées au plus petit dénominateur commun. Bon, il y a bien sûr quelques jolies idées (un exemple parmi d’autres : Salma Hayek dévorant l’énorme coeur de dragon qui doit la guérir de sa stérilité), mais elles sont comme noyées dans des options de narration malencontreuses. En effet, pour adapter trois récits issus du fameux recueil Il Racconto dei racconti, Garrone a bizarrement choisi d&r [...]
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