Signal d'alarme
Videodrome
Pour apprécier le génie de la vision de David Cronenberg, il faut évidemment se replonger dans le contexte sociétal du début des eighties, et remettre en perspective les possibilités offertes par un tout nouvel appareil domestique : le magnétoscope. Connectée à cette technologie expérimentale, la télévision n'est plus tout à fait la même. Cronenberg le souligne dès une scène d'ouverture brillante, où la petite lucarne est présentée comme la compagne du héros Max Renn (James Woods). Ayant troqué un lit classique contre le canapé du salon, le protagoniste s'éveille chaque jour au même rituel, écoutant son écran lui dicter le programme de sa journée sous les traits d'une jolie secrétaire. Très rapidement, le réalisateur décide de questionner la place de la télévision dans la vie quotidienne moderne, prenant notamment le risque d'embourber sa narration dans une reconstitution de débat télévisuel. Essentielle, cette séquence pose en fait toutes la problématique du film, d'une redéfinition de la réalité par le prisme de la représentation cathodique de l'être humain (l'un des participants au débat, le Docteur O'Blivion, n'apparaîtra que dans les pixels d'un téléviseur) à une remise en question des discours moralisateurs vis-à-vis de la violence et de la pornographie (la principale contradictrice de Max, vêtue d'une robe rouge vif, s'avérera être dans l'intimité une sacrée perverse).
LE ROYAUME DES FANTASMES
Se pliant difficilement aux points de vue terre-à-terre et / ou hypocrites de ses contemporains, Cronenberg envisage au début de sa carrière de se faire un nom dans le porno soft, encouragé par les tentatives relativement auteurisantes d'André Link et John Dunning, futurs producteurs de Frissons et Rage. Le porno et l'ultra-violence, Cronenberg en use dans Vidéodrome comme d'un outil narratif capital, des vision extrêmes ouvrant chez les personnages des connexions neuronales sécurisées, et facilitant l'infiltration du signal projeté par une émission underground intitulée Videodrome. Visionnaire (le concept de réalité virtuelle étant alors un mystère pour tous, il est d'autant plus fascinant de constater à quel point le casque manipulé dans le film annonce les technologies actuelles), Cronenberg projette rapidement son couple de protagonistes, au gré d'expérimentations sadomasochistes rythmées par les cordes hypnotiques de Howard Shore, dans le décor baroque de Videodrome, que révèlera un travelling arrière vertigineux. La frontière entre le réel et l'écran étant franchie, le cinéaste accélère son basculement narratif. Lorsque Nicki (Debbie Harry) s'envole pour Pittsburgh dans l'espoir de rencontrer les têtes [...]
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lau
le 28/10/2014 à 15:51ce film est tellement riche et visionnaire qu'il a fallu un temps au public , (comme souvent) pour adapter sa pensée au propos évoqué. CRONENBERG comme son œuvre ,doit etre en perpétuelle mutation...
John Belek
le 28/10/2014 à 19:35Je l'ai pas encore vu, va falloir que je m'y mette :)
Fab Tobitsuka
le 02/11/2014 à 20:40ça s'appelle un film avant-gardiste.
Karamazov
le 03/11/2014 à 17:03Je ne me lasse pas de revoir cet ovni. Le film qui a fait de moi, en plus d'un Kronenbourgophile, un Cronenbergophile.
Il faut cependant reconnaitre que, si le propos génial est en train de passer de la science fiction à la fiction tout court, la forme marque un peu le pas. Disons que stylistiquement le film a un peu "jauni", comme beaucoup d'oeuvres de Cronenberg. Mais il ne faut surtout pas s'arrêter là, ce serait une triste erreur.
Longue vie à la nouvelle chair.