On ne sait pas vraiment si un film pourrait changer le monde, mais on sait que les images recèlent un pouvoir capable d’assujettir aussi bien des peuples entiers que des spectateurs fascinés. Démonstration avec un film de propagande, et un autre sur la propagande.

Un rassemblement, des milliers d’êtres humains qui obéissent tel un seul homme au rythme d’une musique, aux vociférations d’un chef. Ces cérémonies de masse fascinent. Au sentiment d’être le témoin privilégié d’un moment d’exception, s’ajoute le parfum éthéré de la perfection. Cela nous rend euphoriques et souvent oublieux. Nous voilà séduits par les arabesques ondoyantes et harmonieuses de ces foules obéissantes. Tellement qu’on en finit par oublier l’amertume des lendemains qui déchantent. Et que dire de ceux qui les filment. Peu scrupuleux, ils deviennent vecteurs de ces idéologies frelatées et meurtrières qui, régulièrement, endeuillent l’Humanité. La beauté du spectacle leur fait oublier l’envers du décor car, tout à coup, seule l’apparence compte. Cette perfection – à laquelle jamais on ne parvient – pointe le bout de son museau. Frustrés par leurs films, qu’ils résument à une impressionnante addition de compromis, grands et petits, ils sentent enfin l’accomplissement à leur portée. Un peu de savoir-faire leur suffit. Mais la perfection a un terrible défaut. Elle ne connaît pas de séquelle. Elle annonce, au mieux, la répétition incessante d’un événement figé dont le temps exacerbera les défauts. D’autres cinéastes, moins corrompus mais tout aussi fascinés par ces raouts collectifs, parviennent néanmoins à s’en détacher. N’étant pas parties prenantes, leurs oeuvres sont paradoxales. Elles offrent au spectateur la panacée et sa critique. Au moins, chacun reste libre de se faire une idée.