On a dû finir par s’habituer. Les fantômes ne font plus peur. Plus de hurlements au milieu de la nuit ni de portes qui claquent. Ils sont devenus les pères tranquilles de nos pénates et nous surveillent avec distance, voire bienveillance. À l’heure du triomphe du changement et de la précarité, on en vient à avoir de la sympathie pour ces occupants immémoriaux et immobiles de nos maisons. Ce qui perdure se fait rare. Et l’idée de pouvoir continuer à exister, même affublé d’un drap grotesque en guise d’uniforme, est finalement rassurante. On a la chance de garder un oeil sur les nôtres et peut-être, à force d’abnégation, d’infléchir légèrement leurs vies. Après tout, un peu, c’est toujours quelque chose. Car ce qui nous effraie le plus, c’est de disparaître pour de bon. Ne plus influer, ne plus servir à rien. Mourir sans que personne n’y prenne garde et tomber dans l’oubli de ceux qui nous ont côtoyés. Les Thaïlandais semblent plus habitués des forces occultes que nous. Les fantômes s’invitent facilement à la table familiale. Après un moment d’étonnement courtois, ils s’immiscent dans les conversations sans que personne n’y trouve à redire. Ils dispensent toutes sortes de conseils, se moquent de tous, d’eux-mêmes et du temps qui passe. Voilà qui calme les angoisses. Et à tout prendre, plutôt que d’être définitivement dans le grand rien, il vaut mieux devenir fantôme. Cela console de la mort à défaut d’en guérir.




REPAS EN FAMILLE
C’est une longue séquence. Apaisante, à l’image des protagonistes assis, le soir venu, sous la véranda d’Oncle Boonmee (Thanapat Saisaymar). Il y a là Jen (Jenjira Pongpas), la soeur de sa d&eacu [...]