Séquence(s) n°312

Lorsqu’une femme pactise avec le Diable, cherche-t-elle la félicité ou la liberté ? À presque un siècle d’écart, les cinéastes Benjamin Christensen et Robert Eggers ont des réponses bien différentes.
Array

On ne naît pas sorcière, on le devient. C’est un lent et long processus qui vous entraînera vers les degrés ultimes de la solitude. Peu à peu, ceux qui vous aiment s’éloignent, les autres vous ont rejeté depuis longtemps. Plus personne ne vous adresse la parole, sauf pour vous insulter. Plus personne n’ose croiser votre regard. La démence vous guette et vous vous rendez compte qu’il ne vous reste qu’une solution tentante et terrifiante à la fois. Là, au coeur de la nuit, alors que l’on se sent seule au monde, le Diable a gardé une oreille pour vous. Il vous sait presque prête à franchir le pas et aura les mots pour vous convaincre de le suivre. Il esquisse rapidement votre vie future. Elle semble bien plus plaisante que la grisaille du quotidien. Vite, l’affaire se conclut. Vous voilà devenue sorcière. Et sans y avoir pris garde, presque avec nonchalance, vous avez pris une décision irrémédiable. Les novices sont partagées entre l’honneur de voir leur différence enfin reconnue et l’euphorie d’appartenir à une caste respectée et crainte. Ce n’est pas toujours facile à concilier. Mais le Diable fait bien les choses. Il a inventé le sabbat. C’est à la fois un grand raout initiatique et un déchaînement orgiaque, une transe collective pour une jouissance intime. On y est seule au milieu de toutes. Mais pour une fois, on l’a choisi. Les deux cinéastes ici convoqués, Benjamin Christensen et Robert Eggers, aux volontés narratives si différentes, ne peuvent ignorer cette cérémonie. Elle est un élément fantasmatique essentiel de la sorcellerie. Notre considération pour de tels comportements a foncièrement évolué. Archétype de la marginalité, la sorcière s’est doucement muée de « rebut malfaisant de la société » à « minorité opprimée dont la différence doit se respecter ». Le siècle qui sépare The Witch de Häxan, montre combien nos mentalités ont évolué, certainement plus que lors du millénaire précédent.


Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte