Sang d'encre n°293

Le Sang d’encre du mois vise le corps, les transformations, les perversions, la folie et le partage, toujours, encore, oh oui !

L’ÉTRANGE VIE DE NOBODY OWENS + OUTCAST
DE NEIL GAIMAN ET DIVERS (L’ÉTRANGE VIE…)/ROBERT KIRKMAN ET PAUL AZACETA (OUTCAST) – DELCOURT – 168 ET 200 PAGES

On ne présente plus Neil Gaiman (Coraline, Sandman, Stardust, etc.) et Robert Kirkman (The Walking Dead), qui comptent à raison parmi les noms le plus illustres de l’industrie du comic-book. Diptyque assez virtuose, L’Étrange vie de Nobody Owens est l’adaptation du roman The Graveyard Book de Gaiman et narre les aventures du jeune héros éponyme, élevé dans un cimetière par des fantômes et le vampire Silas après que ses parents ont été assassinés alors qu’il n’était qu’un nourrisson. C’est peu de dire que Gaiman est à son aise dans ce conte gothique sombre et foisonnant qui révèle bien des surprises malgré son classicisme apparent. Le récit prend une direction encore plus passionnante lors du deuxième et dernier tome, où le mystère concernant la mort des parents de Nobody Owens est révélé jusqu’à un final hautement satisfaisant. Visuellement, P. Craig Russell, Kevin Nowlan et David Lafuente – entre autres – se succèdent sans que la cohésion graphique de l’oeuvre ne soit trop malmenée, même s’il aurait été souhaitable qu’un seul dessinateur officie sur les deux volumes. Quoi qu’il en soit, espérons qu’Henry Selick soit toujours en charge de l’adaptation ciné, comme cela avait été annoncé il y a maintenant quelques années…
Déjà adapté par le biais d’une série prévue pour le courant 2016 (un trailer est déjà visible sur le Net), Outcast s’intéresse à Kyle Barnes, un homme meurtri par les violences que lui a fait subir sa mère lorsqu’il était enfant et doté de pouvoirs qu’il rechigne à dévoiler… Possession démoniaque, exorcisme et ambiance surnaturelle (superbes dessins de David Azaceta évoquant Mignola) se succèdent tout en conservant l’humanité des protagonistes, Kirkman ayant définitivement un don pour dépeindre avec justesse des anti-héros tourmentés. Si la série prend son temps, elle plaira assurément aux fans de L’Exorciste de Friedkin, ménageant suffisamment de moments d’angoisse et d’ambiguité pour donner envie de lire la suite.

D.D.


LES ÉVANGILES ÉCARLATES
CLIVE BARKER – EDITIONS BRAGELONNE – 354 PAGES

Mille cinq cents pages : c’est plus ou moins la pagination qu’envisageait Clive Barker pour Les Évangiles écarlates, réduite par l’écrivain britannique de plus d’un tiers afin qu’un éditeur accepte enfin de le publier. La bonne nouvelle, c’est qu’avoir été remonté de la sorte donne à l’ouvrage un rythme infernal qui faisait parfois défaut à certains pavés de l’auteur : le récit multiplie les dialogues et va droit à l’essentiel sans que le souffle poétique caractéristique du style de Barker n’en souffre. Quinze ans après le sublime Coldheart Canyon, le voilà donc de retour (si l’on met de côté la saga Abarat et Jakabok : le démon de Gutenberg) avec en vedette ses deux créations les plus emblématiques. On suit en effet le duel qui oppose le privé de l’occulte Harry d’Amour (héros du Maître des illusions) à Pinhead, le maître des Cénobites. Mais si le début du roman laisse croire qu’il pourrait s’agir d’un simple croisement entre le film de Barker et Hellraiser, la suite bifurque vers la dark fantasy pure et dure et nous fait visiter l’Enfer au sens littéral du terme, puisque c’est là que l’intrigue se noue, prenant des proportions bibliques dans l’évocation d’un royaume à mi-chemin entre le Moyen-âge et la Rome antique. Riche en visions dantesques et en perversions contre-nature, le récit s’impose comme un véritable « magnum opus », même s’il n’évite pas toujours un côté fan service qu’on pourra juger parfois trop envahissant. Un défaut qui ne handicape en rien le plaisir immense éprouvé à la lecture de cet évangile épique en diable, où l’imagination est reine, allant jusqu’à rappeler celle qui fit des Livres de Sang des classiques de l’horreur moderne. À 63 ans, Clive Barker n’a jamais été aussi jeune et fougueux.

C.D.


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