Ressortie Dragonn Inn + A Touch of Zen

Un des plus grands cinéastes chinois de tous les temps (1932-1997) est remis à l’honneur cet été avec deux titres d’exception : un modèle de dramaturgie en lieu clos et un sidérant mélange entre film de sabre et échappées surréelles, obtenu au prix d’un tournage interminable et semé d’embûches.

Voir Taïwan et mourir. Du point de vue du cinéma de Hong-Kong, l’île rebelle a longtemps constitué une sorte de purgatoire où on envoyait les novices jugés peu talentueux (John Woo lui-même y a tourné une paire de films pendant ses années de galère) et surtout les anciennes gloires en bout de course. Une règle à la fois confirmée et battue en brèche par le cas du grand King Hu : celui d’un exilé volontaire. Voilà en effet un réalisateur placé sous contrat chez la plus grosse compagnie de la colonie britannique, la mythique Shaw Brothers, et osant pourtant en claquer la porte. Qui plus est, juste après avoir remporté un énorme succès avec un de ses premiers longs-métrages, L’Hirondelle d’or (Come Drink With Me, 1966), mètre étalon de ce genre d’histoires de cape et d’épée à la chinoise avec lequel la Shaw allait bientôt faire fortune. Mais le tournage n’est pas encore achevé que la rupture est déjà consommée entre le studio et le cinéaste, perfectionniste patenté qui sera plus tard connu pour être capable de rester une année entière sur un plateau, arc-bouté sur l’idée d’imprimer sur la pellicule des gestes exécutés au millimètre, quitte à faire exploser les budgets… Direction Taïwan, donc, pour un récalcitrant qui, contre toute attente, y rencontrera un triomphe encore plus grand avec Dragon Inn (1967). Ce sera cependant le sommet commercial d’une carrière qui deviendra hélas de plus en plus erratique.
L’Hirondelle d’or recelait déjà de fabuleuses séquences situées dans une auberge chinoise traditionnelle, où l’héroïne du titre et un vrai-faux ivrogne se livraient à un étourdissant ballet tenant à la fois de la drague et du jeu de masques, chacun cachant à l’autre ses sentiments et ses capacités de combattant. Ce principe hôtelier, Dragon Inn va l’étendre pour la première fois aux dimensions d’un film entier. Une caste d’eunuques constituant un véritable État dans l’État fait condamner à mort un puissant général sur une fausse accusation, et obtient la déportation de sa famille aux confins de l’Empire. Or, l’idée est en fait de les passer discrètement au fil de l’épée, et des soldats habillés en civil sont donc envoyés attendre les captifs dans une auberge située non loin de ladite Porte du Dragon, où leurs plans sont néanmoins dérangés par l’arrivée de personnages énigmatiques dont l’incroyable adresse laisse supposer qu’ils sont bel et bien des espions souhaitant empêcher l’exécution des malheureux… La taverne devient ainsi le théâtre d’une époustouflante chorégraphie au long de laquelle les protagonistes n’ont de cesse de dissimuler leur identité et leurs actions aux autres, grâce à une circulation constante des signes et des messages (mots susurrés à l’oreille, notes écrites prévenant d’une tentative d’empoisonnement, etc.) rendue possible par l’incroyable précision de la gestuelle des acteurs et du montage.


IL N’EST PAS SORTI DE L’AUBERGE

Ce genre de jeu d’échecs fascinant, King Hu va continuer à l’affiner dans ses oeuvres ultérieures, tout comme sa marotte favorite : clore le film par un combat en extérieur, où explose soudain toute la tension accumulée durant un huis clos occupant une proportion écrasante du temps de projection. Même s’il a été renié par un cinéaste avouant avoir dû boucler le tournage en catastrophe sous la pression [...]

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