Rencontre : Roger Guyett superviseur des effets visuels
Vous avez travaillé sur Star Wars : épisode III – la revanche des Sith. Les techniques d’effets visuels de l’époque étaient-elles encore comparables avec celles de la nouvelle trilogie Star Wars ?
J’ai du mal à me souvenir de la date… C’est sorti en 2005, c’est bien ça ? Disons que durant les quinze années qui ont suivi Épisode III, il y a vraiment eu une révolution dans la manière dont on appréhende les effets visuels. Ce qui était très compliqué à obtenir à l’époque ne l’est plus forcément aujourd’hui. J’ai co-supervisé La Revanche des Sith avec John Knoll : chacun s’est chargé d’une moitié du film. Une des plus grosses séquences que j’ai supervisées est celle de Mustafar, la planète de lave. George Lucas voulait vraiment repousser les limites de la technologie numérique, il était très en avance sur son temps. Il a par exemple choisi d’utiliser des caméras numériques au lieu de la pellicule. Mais Mustafar restait un défi assez unique, car on n’a pas réussi à simuler la lave en images de synthèse. C’était impossible. Résultat, on a construit énormément de décors miniatures. Il y a d’ailleurs plus de maquettes dans ce film que dans tous les autres épisodes de Star Wars. Les environnements de Mustafar sont d’immenses miniatures. Même chose pour les scènes de Kashyyyk avec Yoda. On essayait de marier ces effets pratiques avec d’autres éléments créés numériquement. L’histoire d’Industrial Light & Magic est intimement liée aux miniatures, donc nous avions les connaissances et l’expérience nécessaires pour réaliser La Revanche des Sith de cette manière, tout en tirant parti de nouveaux outils. Sur l’ordinateur, on pouvait préparer des mouvements de caméra avec des décors digitaux en basse résolution, et on pouvait ensuite injecter ces mouvements à notre système de Motion Control, qui servait à filmer les maquettes. Vu que le mouvement était déjà dans l’ordinateur, on pouvait ajouter très facilement des effets numériques, des particules, des personnages, etc. Pour revenir à Mustafar, ça nous a demandé un travail de titan. Je crois que ç’a été le plus grand tournage miniature de l’Histoire d’ILM ! Pour simuler la lave, nous avons utilisé de la méthylcellulose, un produit très souvent employé dans l’industrie alimentaire, notamment pour créer des milk-shakes (la méthylcellulose a également été utilisée par l’équipe de Michael L. Fink en 1988 pour donner vie au Blob – NDLR). C’est une substance épaisse qui s’écoule lentement. On pouvait pencher le décor et éclairer les rivières de fausse lave par en dessous, avec tout un tas d’effets atmosphériques autour. Il fallait aussi trouver une manière de récupérer le produit au bout de la pente afin de le recycler. Sur le plateau, c’était vraiment irrespirable ! George voulait tourner beaucoup de séquences sur fond vert, pour ensuite incruster les comédiens dans des environnements totalement imaginaires. C’était incroyablement ambitieux, et il a vraiment ouvert la voie des productions digitales qui sont si courantes aujourd’hui. L’industrie a été profondément chamboulée par les préquelles. La technologie évolue bien sûr très vite et désormais, on peut créer des décors 100 % numériques sans avoir à utiliser des miniatures.
Rogue One: A Star Wars Story comprend une séquence sur Mustafar, qui repose effectivement sur des environnements numériques. Vous avez par ailleurs supervisé les effets visuels de Star Trek Into Darkness, qui s’ouvre sur une scène d’irruption volcanique en images de synthèse…
Ça fait beaucoup de lave ! (rires)
La comparaison est tout de même intéressante : le film est déjà réalisé par J.J. Abrams, et symbolise votre transition entre La Revanche des Sith et Le Réveil de la force.
C’est vrai. Écoutez, je travaille chez ILM depuis 26 ans, j’ai une longue carrière derrière moi, j’ai donc vraiment vécu les débuts de l’ère numérique. Je sais aussi quels types d’effets peuvent être réalisés « in camera », si l’on est suffisamment patient. Sur L’Ascension de Skywalker, je tenais à faire certaines choses à l’ancienne. Par exemp [...]
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