Rencontre : Paul J. Franklin

Interstellar

Formé sur PITCH BLACK, ABÎMES ou LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES, Paul J. Franklin passe un cap déterminant lorsqu’il supervise pour Christopher Nolan les effets visuels de BATMAN BEGINS en 2005. Neuf ans et quatre collaborations plus tard, Franklin retrouve le cinéaste pour les besoins d’INTERSTELLAR, dont les trucages à la fois classiques et innovants soulignent l’extrême singularité du projet dans le paysage cinématographique actuel.

Quand avez-vous commencé à travailler sur Interstellar, et combien de temps êtes-vous resté sur le projet ?

J’ai travaillé environ 18 mois sur Interstellar. J’ai commencé au milieu de l’année 2013, lorsque Christopher m’a demandé de lire le script, qu’il m’a présenté comme une aventure dans la cinquième dimension. (rires) 

Le scénario a été longtemps développé par Steven Spielberg et Jonathan Nolan…

Effectivement. Chris me l’a dit immédiatement. Mais il était déjà en train de le réécrire, parce qu’il voulait y incorporer des idées personnelles. La vision finale d’Interstellar rend hommage au script original de Jonathan Nolan et Steven Spielberg, mais est désormais indissociable du cinéma de Chris Nolan. 

Vous souvenez-vous de votre première réunion de travail avec Christopher Nolan et toute l’équipe d’Interstellar ?

Ouibien sûr. Chris m’implique très tôt dans la préproduction, presque avant tout le monde. Au départ, il y a Chris, notre production designer Nathan Crowley, quelques producteurs… Et c’est à peu près tout. Puis le département artistique arrive, puis les équipes des effets spéciaux. Lors du premier meeting, nous avions donc déjà lu le scénario, mais la discussion était encore très ouverte. Chris aime recueillir nos pensées et examiner toutes les possibilités qui lui sont offertes. Il aime retourner toutes les pierres, afin de trouver des moyens de rendre le film encore plus intéressant. 

Christopher Nolan donnait-il des directions précises à cette étape ?

Le film présentait de nombreux défis créatifs, donc nous en étions encore dans un effort de recherche. Nous nous sommes longtemps demandé à quoi allait ressembler le troisième acte, dans le Tesseract, lorsque Matthew McConaughey explore le trou noir et se retrouve piégé dans un environnement extraordinaire, placé ici pour lui permettre d’interagir avec le passé de sa fille. Nous n’avions aucune idée de ce que nous allions faire. Il a fallu trouver une manière de représenter le temps et l’espace, tout en donnant à Cooper des éléments avec lesquels il pourrait interagir. Chris nous a demandé, quels que soient nos choix, de lui donner la possibilité de construire un décor réel. Il ne voulait pas que Matthew soit suspendu devant un fond vert. La conversation autour du Tesseract a continué tout au long de la préproduction, et même pendant le début du tournage. Nous n’avons trouvé notre concept définitif que lorsque nous sommes arrivés en Islande. Un jour, une tempête a rendu impossible le tournage sur le glacier. Je suis resté plusieurs heures avec Chris et Nathan Crowley à l’hôtel où nous logions, et nous avons étudié une maquette que Nathan venait de créer pour la scène du Tesseract. Et tout s’est débloqué. Chris m’a également dit très tôt qu’il voulait utiliser la technique de la projection frontale, pour montrer des environnements fantastiques à travers les hublots des vaisseaux spatiaux. Avec cette technique, inutile de recourir à des fonds verts. Nous avions discuté de nombreuses fois de cette possibilité durant les dix dernières années, mais ni les Batman, ni Inception ne nous ont fourni les séquences adéquates. Mais sur Interstellar, nous savions que nous allions devoir rester dans un studio pendant un long moment, avec des décors très élaborés, et nous avions beaucoup de matière à montrer à travers les vitres. L’avancée technologique dans le domaine des projecteurs numériques nous a beaucoup aidés. 

Pouvez-vous expliquer en quelques mots le concept de la projection frontale ?

La projection frontale est une technique « à l’ancienne ». Pour faire simple, plutôt que de recourir à un fond bleu ou un fond vert derrière votre avant-plan, vous placez un gigantesque écran de cinéma. Puis vous projetez dessus des images filmées au préalable. Dans La Main au collet d’Alfred Hitchcock, quand Cary Grant et Grace Kelly roulent au sommet de Monaco, tous les plans à l’intérieur de la voiture de sport sont tourn&eac [...]

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Commentaire(s) (1)
banditmanchot
le 23/12/2014 à 10:35

Hyper intéressant. Je vois aussi l'intérêt de tourner en 35 ou 70 mm comme une obligation de blinder son scénario avant de s'appliquer à le mettre en images. L'excuse du numérique offre trop de choix de retouches aux productions maintreams qui ne souhaitent vexer personne et complaire à tous (donc à personne en fin de compte). Ce qui devait être un avantage est devenu un mauvais réflexe.

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