Rencontre : Mitchell Altieri
Vos deux derniers films, La Nuit des clowns tueurs et A Beginner’s Guide to Snuff, s’éloignent du ton assez sérieux de vos précédents travaux. Était-ce une démarche consciente de votre part ?
Tout à fait. Quand A Beginner’s Guide to Snuff m’a été proposé, il portait un autre titre et son scénario était presque trop méchant. Comme vous le savez, j’ai fait quelques films très violents dans le passé et je ne me sentais pas prêt à replonger dans ce type d’univers. J’ai donc refusé le job dans un premier temps. Mais les producteurs voulaient vraiment que je le réalise et sont revenus vers moi un an plus tard. Je leur ai donc dit que je n’accepterai qu’à la condition de faire du film une comédie noire, car je souhaitais que le rôle féminin soit du genre « botteuse de cul ». Trop souvent dans le genre horrifique – mes propres travaux en témoignent –, les femmes ne sont là que pour être victimes d’actes cruels. C’était presque une manière pour moi de faire amende honorable. Et je pense que ça a vraiment amélioré le résultat, comme l’ont d’ailleurs reconnu les producteurs. Le film comporte son lot de violence et de sang, mais il baigne aussi dans un esprit décalé auquel s’ajoute un vrai sous-texte. Quant à La Nuit des clowns tueurs, quand Jeffrey Allard – le producteur du remake de Massacre à la tronçonneuse – m’a proposé le scénario, j’y ai vu une bonne occasion de rendre hommage aux films popcorn des années 80, comme La Nuit de la comète ou Killer Klowns from Outer Space.
À l’évidence, A Beginner’s Guide to Snuff est une vraie satire du milieu cinématographique, et j’imagine que vous avez puisé dans votre propre expérience. La réalité est-elle aussi folle ?
Oh oui. Tout comme David Lynch dans Mulholland Drive, j’ai essayé de montrer à quel point ce business est fou. En gros, dix pour cent du boulot consiste à faire des films ; le reste se résume à essayer de gérer la folie ambiante. Je voulais vraiment explorer ces instants désespérés où l’on se met à avoir des pensées dingues. Comme lorsque j’ai signé un deal pour un gros projet qui s’est écroulé à quelques semaines du tournage… Ce fut un tel coup physique et moral que j’en étais arrivé à me dire : « Si je braquais une banque, je pourrais produire le film ! ». A Beginner’s Guide to Snuff résume assez bien ce sentiment, puisqu’il raconte l’histoire de deux personnages poussés à bout qui vont aller trop loin. Mais au lieu de braquer une banque, ils kidnappent une actrice.
Ces deux films sont visuellement très différents : La Nuit des clowns tueurs évoque John Carpenter tandis qu’A Beginner’s Guide to Snuff opte pour un look plus âpre et réaliste. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?
Ce qui est drôle, c’est que j’ai tourné ces films à trois mois d’écart et que j’ai utilisé la même chef-opératrice, Amanda Treyz, qui avait déjà éclairé pour moi Holy Ghost People. Je voulais que A Beginner’s Guide… possède une certaine âpreté, car il traite de deux personnes désespérées qui perdent la boule. Tout est donc filmé caméra à l’épaule avec des couleurs saturées, pour intensifier le sentiment de chaos et de claustrophobie. Sur La Nuit…, je voulais contrebalancer l’esprit très « années 80 » par un style cinématographique plus soigné me permettant de transformer ce qui aurait pu être un truc un peu ringard en un vrai film d’action jouissif. Le résultat est visuellement superbe : Amanda a fait du super boulot. Sur A Beginner’s Guide… aussi, d’ailleurs.
Quels sont les films qui vous ont le plus influencé en tant que cinéaste ?
J’adore Emprise, même si peu de gens le connaissent. C’est le premier long réalisé par Bill Paxton et le résultat est unique, bizarre et effrayant. C’est aussi un conte initiatique un peu décalé. Ensuite, je dirais Se7en. J’ai pas mal étudié ce film et, lors de la première heure, on ne voit que des scènes de crime. On suit deux inspecteurs qui mènent l’enquête et tentent de déchiffrer des indices. Mais le décor et l’atmosphère sont tellement intenses et horrifiques que l’on vit ça comme une expérience haletante. Je regarde Se7en à chaque fois que je m’apprête &ag [...]
Il vous reste 70 % de l'article à lire
Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.
Découvrir nos offres d'abonnement