Rencontre M. Night Shyamalan

The Visit

Profondément détesté depuis quelques années par une vaste armée de cinéphiles offusqués, M. Night Shyamalan n’a pourtant jamais cessé de défier les standards de l’industrie hollywoodienne. Après l’échec commercial majeur d’AFTER EARTH, le cinéaste semble vouloir renouer avec un système de production plus modeste. À l’occasion de THE VISIT, nous avons voulu aborder avec lui ses récentes évolutions de carrière…
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The Visit ressemble vraiment à un retour aux sources. Vous semblez vous remémorer la manière dont vous réalisiez des courts-métrages pendant votre adolescence.

Oui, je crois que c’est l’idée. Le film parle de ma passion pour le cinéma. L’héroïne du film croit en la technique et en son apprentissage méticuleux. J’étais comme ça à son âge.

On ne s’attendait pas à vous voir réaliser un jour un found footage. Comment le projet est-il né ? Était-ce une commande de Jason Blum ?

Non, j’ai développé le projet de mon côté, je l’ai tourné, puis je l’ai montré à Jason après l’avoir fini. Jason est venu me voir il y a cinq ou six ans. Il m’a dit : « Tu devrais tourner de nouveau des petits films. ». Il m’a rappelé tous les avantages des petits budgets, notamment la liberté artistique qu’ils garantissent. Quand on tourne un tout petit film qui plaît, il arrive à se frayer un chemin à travers le système, et finit par sortir en salles. Quand un petit film ne trouve pas acquéreur, personne ne le voit et ça n’est pas trop dommageable pour une carrière. C’était en tout cas son argumentaire. Je ne suis pas vraiment d’accord avec la seconde option : l’idée de passer un an et demi sur un film que personne ne verra jamais, ça me terrifie. En revanche, le fait de parier sur moi-même m’a attiré. J’ai réfléchi pendant longtemps à la manière dont j’allais m’y prendre, et puis je me suis souvenu d’un concept auquel j’avais déjà pensé il y a longtemps. À partir de là, toute la mécanique s’est mise en place. Quand j’ai montré le produit fini à Jason, il était fou d’excitation. Nous avons fini la postproduction ensemble, puis nous avons montré le film à Universal, qui l’a acheté.

Le film n’était-il pas une réaction à l’échec d’After Earth ?

Non, vraiment pas. Je voulais tourner The Visit depuis près de douze ans. Pendant ce laps de temps, l’industrie hollywoodienne a terriblement changé. Vous le savez sans doute. Autrefois, on pouvait tourner dans de nombreux genres au sein du système des studios. L’année où Sixième sens est sorti, vous vous rappelez des champions au box-office ? Matrix, Le Projet Blair Witch, Dans la peau de John Malkovich, American Beauty, Magnolia, Révélations… C’était ça, les gros films. Des visions de réalisateurs très personnelles, reposant sur des personnages forts et des performances d’acteurs exceptionnelles… Que des oeuvres originales. Seize ans plus tard, le paysage cinématographique n’est plus du tout le même. Hollywood produit désormais des films de 200 ou 300 millions de dollars sans broncher. À cela s’ajoute un budget promotionnel de 150, voire 200 millions. Au final, l’investissement atteint presque le demi-milliard. Résultat, il ne leur reste plus d’argent que pour des tout petits budgets, il n’y a plus de budgets intermédiaires. Les drames de 50 ou 60 millions de dollars, ça n’existe plus. OK, il faut s’ajuster. Lequel des deux voulez-vous faire, le tout petit, ou l’énorme ? Je me rends compte que je me sens beaucoup plus à l’aise avec la première option.

Vous vous êtes fait connaître avec des films de studios très proches du cinéma indépendant. Vous aviez des stars comme Bruce Willis ou Samuel L. Jackson, mais le résultat ne ressemblait pas à des superproductions hollywoodiennes.

Oui et d’ailleurs, avant Sixième sens, j’ai vraiment commencé avec des petits films indépendants…

Oui, Praying with Anger et Wide Awake

Comme je le disais, il faut s’adapter au système, mais pour autant, il ne faut surtout pas arrêter de se battre pour ses idéaux créatifs. Je me bats pour que les projets originaux ne disparaissent pas des multiplexes, par exemple. The Visit reste un sujet original, et j’espère qu’il rencontrera le succès pour cette raison. 

C’est un sujet original, nous sommes d’accord, mais exploité au sein d’un genre un peu galvaudé. Ça ne vous a pas limité d’un point de vue créatif ?

Non, je n’ai pas vu ça comme ça. Le found footage n’a pas commencé avec Blair Witch, Paranormal Activiy ou toutes les merdes qui sont sorties après. C’est du cinéma-vérité, comme dans les années 70. Les seventies ont été les meilleures années de l’Histoire du cinéma, à mon avis. C’est sans appel. Et les cinéastes faisaient ce genre de choses : la caméra était portée à l’épaule, il y avait une sensation d’événement en direct, on avait parfois l’impression que les cadres étaient aléatoires… Ils ont su intégrer cet effet dans le langage cinématographique, pour susciter l’excitation chez le spectateur. Les seventies, c’est le mélange parfait entre des images brutes et puissantes, et des idées scénaristiques [...]

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Commentaire(s) (2)
madgabriel
le 03/11/2015 à 04:06

c'est donc Alexandre Poncet qui a fait l'entretien ? C'est interressant mais avec un fétichiste a la Hitchcock comme Shyamalan, il y aurait eu moyen de rentrer dans le détail de quelques plans de ces films antérieurs dont un en particulier qui annonce le found footage de the visit et qui révèle tout le twist final. Mais les contraintes de temps ont du certainement jouer pour rentrer dans ce détail.

madgabriel
le 03/11/2015 à 04:22

Je regrette jai mal formulé mon observation. Donc j'annule. En fait l'entretien est riche mais je suis assez fan des réalisateurs qui sont aussi habités et pointilleux avec leur vision (quelqu'elle soit). J'aurais attendus plus de détails sur certains plans dans the visit et le parallèle avec la la grammaire que s'est forgé ce real. Il y a une scène donc qui m'a fait comprendre immédiatement tout l'enjeu du film The village et cette scène est dans deux premières minutes du métrage l'enterrement du petit garçon). La caméra détone totalement avec la tonalité des autres plans et mouvements de caméra dans le film et fait penser précisément aux hésitations (fausses) du found footage. Mais surtout ce mouvement nous sort de l'époque un bref instant et nous (m'a) donne(é) l'impression fugace que le réalisateur ment ou est présent. Su coup intuitivement j'avais déjà compris que l'époque décrite ne collait pas d'une manière ou d'une autre a ce qui était présenté par la suite. Si Un journaliste de Mad a l'occasion de réinterviewer Shyamalan pour son prochain métrage, cela serait génial qu'il lui pose la question.

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