Rencontre John Landis

Présent en France pour un hommage au Festival d’Amiens et la ressortie en salles des BLUES BROTHERS, l’infatigable bavard nous a parlé humour macabre et musique black. Bref, voici un complément idéal à l’entretien-carrière paru dans notre numéro 217, lequel était surtout centré sur SCHLOCK et LE LOUP-GAROU DE LONDRES.

Au moment où nous avons fait notre précédent entretien, vous vous apprêtiez à réaliser Cadavres à la pelle avec Simon Pegg. Vous pensez qu’un film comme Shaun of the Dead est le digne héritier de votre style de comédies horrifiques ?

J’adore Shaun of the Dead, mais vous savez ce que j’aime encore plus ? Hot Fuzz, qui est très drôle. Ceci dit, j’avais vu Simon Pegg pour la première fois dans Spaced, la série télé qu’il a faite avec Edgar Wright. Je l’avais trouvé formidable là-dedans, et je savais donc qu’il pouvait garder la sympathie du public. Le point crucial de Cadavres à la pelle était en effet qu’on devait aimer ce gars, quoi qu’il fasse à l’écran. Au départ, David Tennant était censé jouer son acolyte. Or, il venait de tourner dans un pilote pour la chaîne NBC, et aussitôt que je l’ai choisi, ils l’ont donc retenu pour cette série que, finalement, ils n’ont jamais faite. Le personnage a alors échu à Andy Serkis, qui est un acteur très différent. Mais je l’avais vu dans un film merveilleux de Mike Leigh, Topsy-Turvy, dans un petit rôle de chorégraphe gay où il en rajoutait dans le côté grande folle. J’ai ainsi voulu le rencontrer… sans savoir qu’il était Gollum dans Le Seigneur des Anneaux. Je crois que Cadavres à la pelle est un des rares films où il est un humain, et pas un chimpanzé ou un troll !

La dynamique du duo est très importante car ils ont chacun une sexualité particulière…

Dans ma tête, ils étaient des Laurel & Hardy maléfiques ! Ce qui me plaisait dans le scénario original, c’était qu’il traitait un sujet épouvantable sous la forme d’une comédie romantique. Encore une fois, je voulais que ces infâmes meurtriers restent sympathiques – sans les excuser pour autant, car le film montre leurs méfaits sans détour… D’ailleurs, des deux personnages, celui de Simon Pegg est probablement le plus coupable. L’autre agit froidement, pour l’argent, mais lui s’invente des prétextes rationnels : il fait cela pour la femme qu’il aime, etc. Je trouve cela pire, car c’est une idéologie pernicieuse. Dans la vraie vie, William Burke a été pendu, et plus de 60 000 personnes sont venues à son exécution, alors qu’Édimbourg comptait seulement 100 000 habitants à l’époque ! Et non seulement il a été condamné à être pendu, mais il a aussi été condamné à être disséqué en public. À la fin de mon film, je montre ainsi son vrai squelette, qui est encore aujourd’hui exposé à Édimbourg ! Son complice Hare lui avait tout mis sur le dos, avant de disparaître avec sa femme – personne ne sait ce qu’il est advenu d’eux. Quant au docteur, il n’a pas été inquiété. Nous avons ajouté un truc idiot dans le film, mais dans la réalité, il s’en tiré comme cela arrive toujours. Voyez George W. Bush ou Henry Kissinger, ces criminels de guerre : des centaines de milliers de personnes sont mortes, mais eux, ils vont très bien !

J’ai trouvé que le personnage du docteur était moins réussi, en particulier par rapport à L’Impasse aux violences de John Gilling, qui était tiré du même fait divers…

Ah, OK… L’Impasse aux violences n’est pas un film génial, mais il est intéressant, notamment parce qu’il est en Cinémascope noir & blanc. Et surtout, Peter Cushing est formidable. Il est tellement froid ! C’est vrai également que Donald Pleasence est aussi répugnant que l’étaient les véritables assassins : en le voyant, vous avez envie d’aller prendre une douche. Mais ce film est sur Peter Cushing, il est sur le docteur Knox, tandis que le mien est sur Burke & Hare. Le meilleur long-métrage basé sur cette histoire est sans doute Le Récupérateur de cadavres, une version fictionnelle adaptée de Robert Louis Stevenson. Robert Wise l’a réalisé pour le producteur Val Lewton, et Boris Karloff y joue une sorte de combinaison de Burke et Hare en un seul personnage. En fait, il a dû y avoir une douzaine de films sur eux, mais l’ironie est que Cadavres à la pelle est le plus exact de tous, même si c’est ridicule et complètement dingue. En dehors du fait que j’ai rendu Burke & Hare sympathiques, tout est rigoureusement authentique. Par exemple, le docteur est dépeint de façon très exacte. Nous avons aussi tourné dans les vrais lieux où se sont déroulés les événements, bien qu’il y ait toujours une pierre d’achoppement quand on tourne un film d’époque. Vous savez, vous pouvez reconstituer correctement les costumes, les coiffures, les décors, les accessoires, mais vous ne pouvez pas donner une apparence réaliste aux personnages, car ils devraient avoir de mauvaises peaux et de mauvaises dents. Et les spectateurs ne veulent pas voir des gens avec des dents pourries, à moins que ce soient les méchants de l’histoire… Il y a cependant une chose dont je ne pouvais pas parler à la sortie de Cadavres à la pelle, mais que je peux dire maintenant. Quand j’ai terminé le film, j’en étais très content. Or, j’ai ensuite eu de grands conflits avec les producteurs, qui ont déconné avec le montage. Même si j’aime toujours l’interprétation des acteurs et l’aspect visuel, le résultat tel qu’il est sorti n’est donc plus ce qu’il était.

Justement, ils ont coupé des scènes concernant le docteur ?

Les producteurs m’ont forcé à couper des choses partout, y compris dans certains gags. À l’origine, le film était beaucoup plus noir et beaucoup plus surréaliste. Mais c’est vrai qu’il avait aussi davantage à voir avec l’establishment m&ea [...]

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