
Rencontre : Jérémie Périn
Pouvez-vous me raconter la première prise de contact en vue de réaliser Lastman ?
Je connaissais la BD de loin, j’avais vu passer des pages sur Internet. C’est le producteur de la série qui m’a contacté, il avait proposé une adaptation de Lastman à Pierre Siracusa, directeur des programmes jeunesse à France Télévisions, en disant : « J’aimerais bien le faire, mais les dessins animés, c’est plutôt pour les enfants, du coup il va falloir censurer plein de trucs et on va perdre ce qui fait le sel de la BD. ». Mais Pierre, qui avait depuis longtemps envie de créer sur France 4 une case d’animation adulte, lui a répondu : « Peut-être pas, ça m’intéresse, constitue une équipe et trouve un réalisateur. ». Là-dessus, le producteur a demandé aux créateurs de la BD qui ils aimeraient voir au poste de réalisateur, et ils ont donné mon nom. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés.
L’ampleur du projet vous a-t-elle effrayé ? Et aussi, peut-être, le poids d’avoir la possibilité de signer le premier représentant d’une animation adulte et moderne pour la télévision française ?
Euh… J’ai essayé de ne pas y penser. Enfin, j’y pensais dans le sens où, si on se foirait, on était repartis pour 30 ans d’impossibilité créative dans le genre. Si c’est pour dire : « Ah super, y a un truc pour adultes ! Ah mais c’est de la merde ! », ça sert à rien de prendre le risque. Et ce risque n’a jamais été pris avant, si ce n’est dans le domaine de la comédie et du programme court comme Les Lascars ou Moot-Moot.
Le financement a été compliqué, notamment avec l’abandon d’un investisseur qui a contraint l’équipe à lancer un Kickstarter afin de boucler la série. J’imagine qu’en plus de la somme de travail à abattre, c’est une grosse source de stress supplémentaire.
Ouais, c’était pas mal ! (rires) Notre problème, c’était de n’avoir qu’un seul diffuseur. Habituellement, pour une série animée classique, il y a au moins deux diffuseurs, et donc deux rentrées d’argent. L’un est prioritaire, et l’autre a une fenêtre de diffusion plus tardive. Mais notre second diffuseur s’est barré alors qu’il était sur le point de signer, et c’est ce qui a fait le trou dans notre budget… Sur le plan artistique, on avait déjà des contraintes de budget qui nous forçaient à limiter l’animation. Mais bon, ça ne m’a jamais dérangé parce que l’économie d’un dessin animé influence son esthétique et nous contraint à inventer des formes à l’intérieur de nos limites. De ce point de vue, on n’a jamais été emmerdés sur la série. France Télévisions a toujours été de notre côté tout du long. Le stress est plutôt venu de la fabrication. Et donc, quand on a eu cette coupe dans le budget, on a eu peur de ne pas pouvoir aller jusqu’au bout.
Cela vous a-t-il forcé à abandonner certaines idées ?
On a tout fait rentrer ! C’est l’une des fiertés de l’équipe : n’avoir rien lâché. Il a été question de beaucoup de solutions de secours quand on a perdu ce financement. L’une des idées était de supprimer un épisode, mais comme c’est un feuilleton, ce n’était pas possible. Ça forçait à réécrire d’autres épisodes, à changer les story-boards, et finalement, ça avait des conséquences désastreuses. Étrangement, ça coûtait plus cher d’annuler un épisode ! Finalement, on s’en est sortis avec le Kickstarter, qui a été un succès. Et même si on n’a pas atteint la somme idéale, on a quand même eu pas mal d’argent, et surtout, ça a créé un effet boule de neige en attirant des amis d’amis qui étaient riches et se sont dit : « Tiens ça a l’air cool, je vais mettre un peu d’argent là-dessus ! ». Toute l’équipe a quand même dû faire un effort, bosser plus tard le soir, et aussi le week-end.
En termes de scéna [...]
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