Rencontre : Don Coscarelli

Alors qu’il caresse toujours l’idée de donner une suite à Bubba Ho-Tep (mais sans Bruce Campbell), Don Coscarelli a bien voulu revenir sur sa saga Phantasm, dont le premier volet sort enfin en vidéo chez nous dans un beau combo Blu-ray/DVD via ESC Éditions et Sidonis Calysta. L’occasion de constater que le bonhomme est toujours un artiste généreux et d’une rare intégrité.

Vous avez eu l’idée de faire un film d’horreur en 1976 pendant le tournage d’une scène effrayante de votre deuxième long-métrage, Kenny & Company. C’est une décision qui a façonné votre vie. Vous êtes-vous déjà imaginé quelle aurait été votre carrière si vous aviez pris un chemin différent ?

(rires) Eh bien… Pour être honnête, je pense que je n’aurais jamais fait d’autre film. Mon premier, Jim, the World’s Greatest, était un drame typique des années 70, une tranche de vie qui n’a pas rapporté un kopeck. Le deuxième était dans le même moule, même si un peu plus axé sur la comédie. Là encore, ça n’a pas rapporté un centime. Je pense que si j’avais persévéré dans cette voie, j’aurais dû abandonner. Donc, prosaïquement, faire un film d’horreur était une bonne idée. J’adorais l’horreur et la SF quand j’étais môme. Et j’avais lu quelque part que les films horrifiques avaient toujours du succès au box-office !


Vous avez mentionné un jour l’influence de Luis Buñuel et d’Un chien andalou, que vous avez découvert très jeune. Vous avez du coup empreint Phantasm de surréalisme, ce qui en fait un film à part, partagé entre un parfum « ameri­can gothic » et une sensibilité très européenne. Il m’évoque parfois des réalisateurs comme Mario Bava ou Dario Argento. Vous aviez leur travail en tête à l’époque ?

Je n’avais pas décidé sciemment de faire un truc qui ressemblerait à un giallo ou à un film d’horreur italien. Mais j’avais vu ces films. Je crois que Suspiria est sorti pendant que nous montions Phantasm, à un moment où nous étions en pleine ébullition créative… Je ne pourrais dire de façon spécifique si j’ai emprunté telle ou telle chose, mais je me rappelle en revanche que Suspiria a eu beaucoup d’impact sur moi en matière d’ambiance, de musique, et sur le fait qu’il n’y avait pas besoin de tout expliquer. Donc oui, aucun doute là-dessus, ces films m’ont influencé et je les adore toujours !


Angus Scrimm a dit que vous aviez eu l’idée de lui donner un rôle dans un film d’horreur lorsqu’un jour, sur le plateau de Jim, the World’s Greatest, il s’est énervé après vous…

Oui, c’est vrai ! Il faut savoir que j’ai fait mon premier film très jeune, avec un ami qui vivait dans mon quartier, Craig Mitchell. Et très souvent, il fallait appor­ter de mauvaises nouvelles à Angus. Avec Craig, on se disait : « C’est toi qui vas lui dire. ». « Non, c’est toi ! » Et on allait frapper à sa porte pour lui dire : « Euh, monsieur, on a fait une erreur et finalement, vous n’allez pas tourner aujourd’hui. » Et il vous fixait avec son sourcil relevé ! Bien sûr, je ne savais pas encore que ce regard serait l’une des caractéristiques du Tall Man, mais bon dieu, je trouvais ça flippant ! Et quand j’ai écrit Phantasm, je pense que dans un coin de ma tête, j’avais cette image d’Angus. C’était un homme gentil, chaleu­reux, intelligent, un excellent ami, mais il était capable de faire ressortir de son for intérieur une noirceur vraiment étrange.



Phantasm est rempli d’idées visuelles frappantes, comme les sphères volantes, les portails dimensionnels, les gnomes, la « dimension rouge »… Tous ces éléments sont venus lors de l’écriture, où étaient-ce des visions qui vous trottaient dans la tête et que vous avez agglomérées pour l’occasion ?

Tout est venu pendant l’écriture. J’essayais simplement d’infuser dans ce postulat étrange – un croque-mort venu d’une autre dimension – des idées originales. J’aurais du mal à expliquer aujourd’hui pourquoi j’ai fait tel ou tel choix, même si certains sont venus de choses très anodines. Par exemple, un jour, j’étais tout seul en train d’écrire, j’essayais d’accou­cher de trucs intéressants, et j’avais à la main un gobelet de café en polystyrène. Quand j’ai eu fini de boire, j’ai percé le fond du gobelet avec mon doigt, et en le voyant gigoter bizarrement, j’ai eu l’idée de la scène du doigt coupé. Mais en général, je n’ai pas vraiment conscience de l’origine de mes idées. J’adore Ray Bradbury, Les Envahisseurs de la planète rouge… Mais finalement, je n’ai compris que bien des années plus tard ce qu’était vraiment Phantasm. J’étais en train de faire Bubba Ho-Tep, qui a été écrit par le célèbre auteur Joe R. Lansdale. Et tous ses livres sont considérés comme des « mash-up » dans lesquels il mélange plein de genres. C’est là que j’ai compris que Phantasm était aussi un mash-up : on y trouve de l’horreur, de la SF, de la fantasy, de la comédie, du drame… Un peu de tout, quoi. Et je pense qu’une partie de son succès vient de ça, du fait que le film prend souvent une tournure inattendue. Je devrais à nouveau appli­quer cette méthode. Je pense que c’est un conseil précieux pour un jeune réali­sateur : toujours essayer d’être imprévi­sible. On a tous vu des tonnes de films, on connaît les ficelles. Alors réussir à réveiller le public avec quelque chose auquel il ne s’attendait pas, ça ne peut être que positif.


Vous avez fait Phantasm II pour un gros studio, Universal. Cela a-t-il été délicat de confronter la singularité de votre création à la rationalité et à l’approche commerciale d’une major ?

En fait, ça ne s’est pas trop mal passé, à part deux ou trois choses gênantes. Il n’y a pas eu beaucoup d’interférences de leur part, vu que c’était un petit budget – même si trois millions de dollars, pour un Phantasm, c’était vraiment une gross [...]

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