Rencontre : Dagmar Lassander
Comment vous êtes-vous retrouvée à effectuer l’essentiel de votre carrière en Italie ?
J’avais tourné en Allemagne un film intitulé Andrea, qui a ensuite fait l’objet d’une énorme campagne de publicité en Italie. À vrai dire, certains disaient qu’il fallait jeter la pellicule au feu ! Bon, ce n’était pas très sérieux : personne n’a jamais brûlé un film dans ce pays. Il y avait néanmoins une grande pression de la censure. Pas à cause de ce que vous pouviez voir à l’écran, mais à cause du sujet (un cas de nymphomanie – NDR). Toujours est-il qu’après avoir vu Andrea, le réalisateur Piero Schivazappa et ses producteurs m’ont voulue pour Femina ridens. Je suis donc arrivée pour signer un contrat, et j’ai ensuite tourné un film après l’autre, si bien que je suis restée en Italie jusqu’à aujourd’hui. C’est aussi simple que cela.
Dans Femina ridens, votre personnage est séquestré par un sadique phallocrate incarné par Philippe Leroy. Vous aviez l’impression de participer à une entreprise scandaleuse ?
Femina ridens a été fait en 1969, et personne ne parlait alors de recueillir du sperme et de le congeler, pour que les femmes puissent choisir les caractéristiques de leur enfant sans avoir besoin d’un homme. De nos jours, cela donne lieu à des discussions, mais à l’époque, c’était assez nouveau comme sujet. Je trouvais donc que c’était un très bon scénario, et je le pense toujours aujourd’hui. Cela dit, le tournage a été extrêmement professionnel. Il n’y avait aucune attirance entre Philippe Leroy et moi, et pour tout dire, je crois qu’il ne m’aimait pas beaucoup. Plus tard, nous avons tourné un autre film ensemble, et aujourd’hui, nous sommes de très bons amis. La seule chose qui m’a posé problème, c’est ce mannequin d’homme grandeur nature : je détestais le contact du plastique froid sur mon corps nu. Mais quand je regarde de gros films hollywoodiens actuels, je me dis souvent qu’ils contiennent des scènes que j’aurais refusé de jouer. Disons que ce qui était scandaleux à l’époque ne l’est certainement plus aujourd’hui.
En arrivant sur le plateau, vous avez été impressionnée par ces incroyables décors ?
Aujourd’hui, bien sûr, cela n’a plus rien de nouveau. Mais en 1969, cette architecture était très moderne. De plus, ils ont utilisé de vraies oeuvres d’art, comme ces grandes sculptures en plastique de Niki de Saint Phalle. Et le concepteur des costumes, Enrico Sabbatini, était excellent : plus tard, il a d’ailleurs été nommé aux Oscars (pour Mission de Roland Joffé – NDR). Enfin, le directeur photo a réussi des compositions dignes d’une peinture. De ce point de vue, Femina ridens est toujours très actuel. Je le sais parce que de grands intellectuels, comme des architectes d’intérieur, le considèrent encore comme une référence. Je l’aime aussi, je pense que c’est toujours un bon film.
Le film fixe également votre look, avec des yeux bleus et des cheveux roux qui ont sans doute été un atout « exotique » pour faire carrière dans le cinéma italien…
Oui, les producteurs trouvaient que c’était bon pour le scénario : une peau très blanche, des yeux bleus, des cheveux roux. Ces derniers se sont avérés être une bonne idée pour travailler en Italie, car une blondeur germanique y aurait vraiment paru trop déplacée. En revanche, il y a beaucoup de roux dans le pays, en particulier quand vous descendez vers Naples, et c’était donc à peu près possible pour moi d’incarner des personnages italiens. C’est seulement quand j’ai arrêté de tourner, il y a 20 ans, que je suis redevenue blonde, ma couleur naturelle. Par ailleurs, mes premiers films étaient souvent des coproductions internationales. Pour satisfaire aux règles de chaque pays, l’équipe devait ainsi mélanger des gens de diverses nationalités. Or, en plus d’un passeport allemand, j’avais un passeport chilien, et ce dernier me permettait d’être comptée comme actrice espagnole. Par exemple, Photo interdite d’une bourgeoise de Luciano Ercoli était fondamentalement un film italien, mais tourné en Espagne et financé par un businessman français qui avait une affaire d [...]
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