Rencontre : Bruce LaBruce

Alors que ses premières oeuvres sortent dans un beau coffret DVD (voir encadré), l’auteur sulfureux de L.A. Zombie nous livre sa contre-histoire personnelle du cinéma d’horreur, où l’on croise fanzines punkoïdes, vieilles gloires hollywoodiennes décaties, ritiques militants… et finalement, des bonnes soeurs en folie !

Vous racontez souvent avoir vu des tonnes de films pendant votre jeunesse. Cela incluait des oeuvres fantastiques ?

J’étais complètement accro à la télévision, et je regardais donc absolument tout. Déjà, il y avait les rediffusions de séries commeLa Quatrième dimension ouAu-delà du réel, mais aussi des feuilletons de science-fiction tels que Star Trek – l’original, bien sûr – et Perdus dans l’espace. Quand j’étais enfant, j’ai vraiment été traumatisé par un épisode de Perdus dans l’espace où une extraterrestre verte attirait le Dr Smith hors du vaisseau. Pour une raison quelconque, cela m’a terrifié et j’en ai fait d’horribles cauchemars pendant très longtemps. Et puis, ouais, il y avait les productions Hammer et l’horreur italienne, les films de Mario Bava. En fait, en tournant L.A. Zombie, je pensais un peu à sa Planète des vampires, notamment à la scène où les membres de l’équipage émergent de sous la terre puis s’extraient d’enveloppes de plastique. C’est le même genre d’images surréalistes quand la créature surgit de l’océan au début de mon film, même si je pensais bien sûr aussi à l’ouverture du Commando des morts-vivants, avec les zombies nazis sortant de l’eau. Le Commando… est une de mes séries B des années 70 préférées.

C’est drôle car Nicolas Winding Refn, qui a chapeauté la restauration de La Planète des vampires, nous disait il y a peu qu’il trouvait ce dernier très sexuel, voire homoérotique, notamment à cause des combinaisons en cuir des astronautes…

Il y a bien sûr les costumes, mais il y a aussi quelque chose d’homoérotique quand les astronautes se jettent les uns sur les autres pour se bagarrer… J’aime également l’idée que les créatures soient des aliens qu’on ne peut pas voir et qui possèdent les astronautes. De la même manière, dans L.A. Zombie, on ne sait pas si le héros est vrai monstre – peut-être est-il un extraterrestre, d’ailleurs – ou bien une personne sans domicile fixe qui est devenue schizophrène. De La Planète…, j’ai aussi repris les couleurs assez criardes. Enfin, j’adore vraiment les trucages analogiques, par opposition au numérique. Et ce que Bava a accompli avec les enveloppes de plastique est très intense, car cela repose entièrement sur de la direction artistique – ce ne sont pas des effets spéciaux de dingue. Mais Refn n’a pas présenté un autre film récemment ?

Je sais qu’il a racheté le négatif de Marée nocturne de Curtis Harrington…

J’adorais ce que faisait Curtis Harrington. Dans les années 70, il a réalisé beaucoup de téléfilms, commeVengeance en différé où Anthony Perkins joue un aveugle. Son personnage a perdu la vue dans un incendie, et il est resté bloqué psychologiquement quant à ce qui s’est vraiment passé, qui a quelque chose à voir avec sa soeur. C’est donc une sorte d’histoire incestueuse bizarre… On faisait de super téléfilms d’horreur dans les années 70. Un ou deux avaient Barbara Stanwyck en vedette, comme The House That Would Not Die. Mais pour revenir à Marée nocturne, c’est un des trois films auxquels j’ai pensé en faisant Otto ; or, Up with Dead People, les deux autres étant Le Carnaval des âmes et Martin. Car ils ont tous des personnages ne sachant pas ce qu’ils sont. Dans Marée nocturne, on ne sait pas vraiment si la fille est une vraie sirène ou pas, tandis que les revenants du Carnaval des âmes n’ont pas conscience d’être des fantômes. Quant à Martin, il est effectivement un vampire, mais personne ne le croit : les gens pensent qu’il fait juste semblant d’être un suceur de sang. J’aime cette sorte d’ambiguïté, et Otto… parle ainsi d’un garçon qui se voit lui-même comme un zombie et en est peut-être un, à moins qu’encore une fois, il ne s’agisse d’un fou schizophrène. L’interprétation est laissée ouverte, mais en tout cas, c’est un personnage marginal qui ne s’adapte pas à la société pour certaines raisons.

Otto… et L.A. Zombie ont donc le même thème. Pourtant, leur traitement visuel ne pourrait pas être plus différent…

Déjà, Otto… étant situé à Berlin, je suis parti sur quelque chose de très gothique, en m’inspirant de caricaturistes comme Charles « Chas » Addams et Edward Gorey. Même si l’ [...]

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