Rencontre : Brigitte Lahaie

La sortie d’un énorme livre-hommage (voir encadré) nous rappelle que la blonde actrice, après avoir été star de l’Âge d’Or du X et avant de devenir animatrice radio à succès, fut un temps la figure de proue d’une petite industrie de la série B française. Elle nous en raconte ici la saga, sans illusions mais sans s’en excuser non plus.
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Vous dites souvent que Les Raisins de la mort est votre premier rôle « traditionnel »…

C’est le premier film non X que j’ai tourné, oui, et je dirais même que c’est Jean Rollin qui m’a donné envie d’en tourner d’autres. Je l’avais connu sur un X – le seul que j’ai fait avec lui, d’ailleurs – intitulé Vibrations sexuelles. Ensuite, il m’a souvent répété qu’il me ferait jouer dans son prochain long-métrage, m’envoyant même des cartes postales à ce sujet ! Je prenais cela un peu à la légère, mais plus d’un an après, il m’a effectivement appelée pour me dire qu’il avait envie de me donner un rôle dans Les Raisins de la mort. Et ce n’était pas son plus petit budget : il y avait de vrais acteurs, un vrai producteur. Pour autant, je ne garde pas un très bon souvenir de ce tournage. J’ai été assez mal accueillie – pas par Jean, bien sûr, mais par le reste de l’équipe. J’étais un peu la brebis galeuse, et en plus, il faisait un froid de loup, alors que je devais quand même enlever ma robe, qui n’était déjà pas très chaude. (rires) En revanche, je garde un merveilleux souvenir de Fascination. Il faut féliciter Jean Rollin et son chef-op’, car le film a été tourné en une dizaine de jours, alors qu’on ne pourrait pas l’imaginer : il y avait pas mal d’effets spéciaux. Là, l’ambiance était très chaleureuse et très chouette, et j’aimais beaucoup mon rôle. Par la suite, Jean a voulu me faire jouer dans des longs-métrages qu’il n’a jamais réussi à monter, et c’est vraiment dommage car c’étaient de beaux projets. Un qui me plaisait beaucoup s’inspirait de la comtesse Báthory, qui tuait des gens pour se baigner dans leur sang. Il me voyait toujours plus comme une prédatrice que comme une victime. (rires)

Mais votre rôle préféré chez Rollin n’est pas celui de l’héroïne de La Nuit des traquées, dont la mémoire ne cesse de s’effacer ?

C’est curieux, car c’est bien plus tard que je me suis rendu compte que c’était peut-être le film de Jean où mon jeu de comédienne était le mieux mis en valeur. J’avais tendance à ne pas trop l’aimer, mais il y a une dizaine d’années, je l’ai redécouvert lors d’une projection – vous savez, il y a souvent des hommages à Jean Rollin, qui a marqué les mémoires comme réalisateur. Et je me suis dit qu’en effet, La Nuit des traquées tenait plus la route que je ne l’imaginais. Pourtant, là encore, cela a été un tournage très, très rapide. Je me souviens notamment du chef-op’, qui était son propre caméraman et qui bossait très bien. Mais ce rôle où je perds la mémoire est intéressant, et oui, je crois que le film a une vraie couleur, assez différente des autres oeuvres de Jean, qui partaient toujours dans des trucs surréalistes. La Nuit des traquées est presque… j’allais dire « normal », étant davantage ancré dans une époque contemporaine, avec une ambiance très bien rendue.

 

Peu après, le gouvernement a décidé d’appliquer à la lettre la loi X, poussant les réalisateurs vers trois options : le retour à l’érotique soft, la grosse comédie, et le polar ou l’horreur. Vous avez connu la même reconversion… 

Un autre problème a été l’arrivée des films tournés en vidéo. J’en ai fait un, dont je ne sais pas ce qu’il est devenu, puis j’ai arrêté le X pratiquement tout de suite après, en 1980. Je pense que la vidéo a tué le cinéma pornographique. Des gens qui n’étaient pas forcément réalisateurs se sont mis à tourner, car c’était facile avec ces petites caméras. Qu’on le veuille ou non, des gens comme Claude Bernard-Aubert – « Burd Tranbaree », donc – ou Francis Leroi étaient au contraire de vrais réalisateurs. Et quand on voit leurs films pornographiques, eh bien, c’est du vrai cinéma, avec quand même un semblant de scénario. Mais je ne sais rien de ces histoires de taxes, car je me suis franchement éloignée du milieu du X après 1980. À l’époque, j’ai beaucoup tourné en Suisse, pour les pseudo-comédies érotiques de Dietrich.

 

Erwin C. Dietrich était un drôle de personnage, un gros distributeur suisse-allemand qui réalisait lui-même des films sexy. En arrivant sur ses plateaux, vous aviez l’impression d’entrer à Hollywood ?

En effet, il se faisait plaisir en tournant ses films avec des filles à moitié à poil… et il y avait des budgets… sympathiques. Mais il ne faut pas non plus exagérer, ce n’étaient pas de vraies grosses productions comme j’en ai connu avec Gérard Oury ou Henri Verneuil. Les Dietrich étaient tournés en une dizaine de jours, c’était donc plus proche de ce que j’allais connaître sur L’Exécutrice ou Dark Mission. Ce qui était sympathique, c’est qu’on venait toujours nous chercher à l’heure dite. Je me souviens très bien de cette rigueur suisse. (rires)

 

Parlons justement de L’Exécutrice

J’ai une certaine tendresse pour ce film, parce que… allez, je vais le dire : c’est la première fois où j’ai réellement travaillé mon rôle, et où j’ai vraiment eu l’impression de faire du cinéma et être actrice. Auparavant, dans les Rollin, je me laissais guider par Jean, et d’ailleurs, même si c’était un très mauvais directeur d’acteur, je suis plutôt bien dans ses films. Mais je ne travaillais pas mes rôles, ce que j’ai fait sur L’Exécutrice, même si ça ne se sent peut-être pas. (rires)

 

Oh, vous êtes assez crédible en policière jouant du flingue…

J’avais pris des cours de tir – avec des flics, d’ailleurs. L’Exécutrice est bien sûr une série B, mais moi, j’aime bien. De plus, je trouve le film très fidèle à ce qu’était Michel Caputo. Il est assez méprisé, mais je crois que c’est un réalisateur tout à fait correct, et que d’autres cinéastes français – j’allais dire : « franchouillards » – sont davantage reconnus, alors qu’ils sont [...]

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