Rencontre : Baxter monteur

Depuis sa première collaboration avec Alexandre Aja sur Haute tension au début des années 2000, Baxter est devenu l’un des monteurs les plus respectés de l’industrie cinématographique française. D’où notre envie d’aller à la rencontre de cet enfant de la balle qui revient ici sur les moments forts d’une filmographie principalement placée sous le signe de l’horreur. Mais pas que.
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Tu as toujours baigné dans un environnement influencé par le cinéma, n’est-ce pas ? 
Oui, j’ai vraiment grandi dans une famille marquée à 100 % par le cinéma. Mon grand-père était réalisateur de publicités, et ma mère a monté ses travaux dès son plus jeune âge. Et comme elle travaillait souvent à la maison, on avait une salle de montage chez nous, même si à l’époque, on ne bossait pas sur ordinateur, mais avec des Steinbeck et des bacs remplis de pellicules. Et moi, je traînais au milieu de tout ça avec mes Lego… Ces souvenirs remontent à ma prime jeunesse et continuent jusqu’au moment où ma mère a pris sa retraite. 


À l’époque, étais-tu déjà réceptif au travail de ta mère ?

Je n’y étais pas du tout réceptif. Pour moi, c’était le pire métier qui soit. Mais je pense que c’est pareil pour tout le monde : quand tes parents travaillent dans un restaurant, tu n’as pas forcément envie d’être restaurateur, car souvent, tu ne vois que les mauvais côtés de la chose… Tu sais, toute ma famille est dans le cinéma : mon frère est scénariste, ma soeur est maquilleuse et mon père a été machino pour Godard. Il a aussi été comédien et a réalisé deux longs-métrages dans les années 70. Comme j’étais mauvais élève, ma mère répondait toujours à mes profs : « Ce n’est pas grave, il fera du cinéma ! ». Mais même si j’ai grandi avec cette idée que j’aurais toujours la possibilité de faire du cinéma, ce n’était pas ma passion. Moi, je voulais être archéologue ou paléontologue. C’était ça qui me faisait rêver ! 


Quel a été le déclic qui t’a fait changer d’avis ?

Je crois que le moment où j’ai basculé, c’est lorsque j’ai vu Les Dents de la mer à onze ans avec un copain dans un cinéma de quartier de Montreuil. On avait dit à ma mère qu’on allait voir Les Sous-doués, et quand on est arrivés devant le cinéma, on a découvert l’affiche du Spielberg, que les grands de l’école avaient déjà vu. Comme le film était interdit aux moins de treize ans, on savait qu’on ne nous laisserait pas entrer. Mais après avoir pris nos billets, les gars à l’entrée ne nous ont rien demandé, alors on a pu aller voir Les Dents de la mer. Et en sortant de la salle, je me suis dit : « Ouais, je vais faire du cinéma. Je veux faire des films avec des requins ! ». (rires) Bien sûr, j’avais été époustouflé comme tout le monde par La Guerre des étoiles, mais je n’avais pas expérimenté le même choc que devant Les Dents de la mer


Comment s’est déroulé ton apprentissage du montage ?

Au début, je n’ai pas été aidé par mes parents. Quand j’ai arrêté l’école en première, ma mère m’a dit : « Tu te débrouilles pour trouver un boulot. Peu importe ce que tu fais, mais tu vas bosser. ». Et comme je connaissais un type de mon quartier qui faisait du montage pour AB Productions à l’époque du Club Dorothée, je lui ai demandé de me trouver quelque chose dans l’audiovisuel. J’avais besoin d’argent et comme ça marchait fort pour AB, qui était alors en contrat avec TF1, il pensait pouvoir me trouver un petit boulot de technicien. Et il y est parvenu : je devais faire de la « dupli », c’est-à-dire lancer un magnétoscope en appuyant sur « play » et enregistrer la vidéo sur un autre magnétoscope. C’était un boulot nocturne – ça commençait à 20 heures et ça finissait à 5 heures du matin –, et j’ai donc passé mes nuits à faire de la dupli pendant deux ans. Mais comme je m’emmerdais, j’allais souvent faire un tour en salle de montage, même si c’était totalement interdit. Je me suis mis à fouiller dans les archives et j’ai commencé à faire mes propres montages en mélangeant des images de Goldorak avec des musiques de clips ou des films érotiques destinés à la Cinq (chaîne de télé disparue en 1992 – NDR). Juste pour le fun. Et c’est comme ça que j’ai fait mes premiers points de montage, à 20 ans, jusqu’au jour où je me suis fait attraper par le directeur technique qui m’a dit que je n’avais rien à faire là… et qui m’a viré. Mais à quelques jours de mon départ, ce même type m’a demandé de remplacer au pied levé une monteuse qui avait quitté son poste après un malaise. N’ayant personne d’autre sous la main, c’est à moi qu’il a demandé de monter un épisode d’Hélène et les garçons, et comme ça s’est bien passé avec le réalisateur, je suis devenu monteur du jour au lendemain. 


AB était une vraie machine de guerre à l’époque… 

Oui, il y avait une douzaine de salles de montage pour monter les sitcoms en instantané. Les épisodes étaient tournés en une journée et montés/mixés dès le lendemain, avant d’être diffusés le surlendemain. Deux ou trois jours maximum par épisode. Il fallait faire vite. 


Ce sont souvent ce genre de contraintes qui se montrent au final très formatrices…

Rien n’était bon : ni les musiques, ni les comédiens, ni les scripts… On faisait du McDo pour la télé, mais je pense en effet que c’est avec ce type de projets que tu apprends, et ce quel que soit le poste. C’est en travaillant avec une matière première de mauvaise qualité que tu apprends à sauver les meubles, même si tu sais que ça ne donnera jamais quelque chose de fantastique. Mais, quelque part, plus on te met de bâtons dans les roues, plus tu apprends. Pour avoir des bases solides, il ne faut pas commencer avec de bons projets, mais avec des mauvais !


Comment es-tu arrivé au cinéma après ça ? Tu devais avoir envie de te frotter à quelque chose de plus ambitieux…

J’ai fait beaucoup de télé en sortant d’AB : j’ai travaillé pour la Cinq, pour Dechavanne, pour M6… Mais la bascule s’est faite grâce à mon beau-père, Patrick Schulmann, qui m’a proposé de l’aider sur un sujet qu’il réalisait pour Envoyé spécial. C’était le début de l’Avid (logiciel de montage sur ordinateur – NDR) et comme j’étais l’un de ceux qui maîtrisaient le truc, il m’a proposé de bosser avec lui. Ça s’est très bien passé entre nous, même si c’était bizarre de travailler avec un membre de sa famille. Il m’a ensuite proposé de monter Comme une bête, son dernier long-métrage, car ma mère avait arrêté de travailler à l’époque. Ce n’est pas forcément le meilleur souvenir de ma vie, car notre relation était biaisée et le film a été très dur à monter. 



La première fois que les lecteurs de Mad Movies ont pu découvrir ton nom, c’est avec Haute tension, qui était produit par Alexandre Arcady. Un cinéaste avec qui tu avais déjà collaboré sur Entre chiens et loups.

Alexandre Aja – le fils d’Alexandre Arcady – et Grégory Levasseur ont réalisé les scènes d’action d’Entre chiens et loups, et notre collaboration a été formidable sur ce film. Le courant est tout de s [...]

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