RAISED BY WOLVES SAISON 1 D’AARON GUZIKOWSKI
Qu’ont en commun le Roy Batty de Blade Runner et le Balian de Kingdom of Heaven, en dehors du nom du réalisateur qui les a mis en scène ? Tous deux sont en rupture de créateur, qu’il soit scientifique ou divin, et cherchent à appréhender leur place dans le monde. Si le chef-d’oeuvre cyberpunk de 1982 et la grandiose épopée moyenâgeuse de 2005 s’intéressent respectivement aux problématiques de l’intelligence artificielle et de la foi, ces thématiques finissent par se confondre dans la filmographie de Ridley Scott, traversée par des êtres synthétiques dysfonctionnels et des humains en quête d’une filiation biologique, technologique ou spirituelle. C’est même devenu le sujet principal de sa reprise en main controversée de la saga Alien à travers Prometheus et Alien: Covenant, deux films profondément imparfaits mais souvent passionnants dans leur façon d’ignorer les atours les plus vendeurs de la franchise pour se focaliser sur deux personnages obsédés par la recherche de leurs origines. D’un côté Elizabeth Shaw (Noomi Rapace), archéologue du futur qui, après avoir découvert des coordonnées spatiales dans l’art antique de plusieurs civilisations terriennes, met sur pied une expédition lancée sur les traces des « Anciens astronautes », visiteurs aliens qui auraient implanté la vie sur notre planète il y a des dizaines de milliers d’années, et seraient à la base du concept de « dieu ». De l’autre, David (Michael Fassbender), l’androïde qui l’accompagne, pour qui cette expédition constitue un fascinant paradoxe : si ses propres créateurs sont à la recherche des leurs, doit-il continuer à les considérer comme supérieurs ? Dans Alien: Covenant, David se prendra lui-même pour Dieu en exterminant une civilisation et en créant de nouvelles formes de vie xénomorphes, acquérant ainsi une autonomie de pensée qui en fait un démiurge homicide tristement… humain.
ANDROID STORY
Guère étonnant, donc, qu’en 2017, lorsque le scénariste Aaron Guzikowski (Contrebande de Baltasar Kormákur, Prisoners de Denis Villeneuve, la série The Red Road avec Jason Momoa) frappe à la porte de Scott Free Productions, il trouve une oreille attentive. Son projet, Raised by Wolves, traite d’un couple d’androïdes envoyé sur une planète déserte avec des embryons humains afin de fonder une nouvelle civilisation après que la Terre a été rendue inhabitable par une guerre de religion. Guzikowski n’est pas là par hasard, lui qui avoue avoir été obsédé par l’esthétique et les thématiques d’Alien et Blade Runner. « Lorsque j’ai vu Alien étant jeune » se rappelle le showrunner pour le site Slashfilm, « j’ai été époustouflé par le concept d’un androïde qui serait fait d’un matériau imitant notre propre chair. Cette idée d’un être synthétique qui ne serait pas constitué de métal, qui ne ressemblerait pas à un robot, m’a fait me demander : « Si on se ressemble autant, sommes-nous vraiment différents ? ». Nous ne sommes pas faits du même matériel, mais cela nous rend-il si spéciaux que ça ? D’où vient vraiment la conscience ? Tout ça n’arrêtait pas de tourner dans ma tête. » Initialement, Ridley Scott n’a aucune intention de s’impliquer artistiquement dans la série, qui sera diffusée aux USA par HBO Max, le service de SVOD de Warner. S’il est crédité comme producteur exécutif de plusieurs shows (The Good Wife, Taboo, The Man in the High Castle, The Terror), il n’a rien mis en scène pour la petite lucarne depuis ses publicités de la fin des années 1980. De plus, sur le papier, Raised by Wolves le forcerait à se répéter, comme il l’a expliqué au New York Times : « Ma première réaction a été : « Oh non, je n’ai pas l’intention de parler à nouveau d’androïdes. ». J’essaye de ne pas jouer toujours la même musique. ». Il change d’avis après avoir lu les scripts d’Aaron Guzikowski : « Je me suis dit : « Mon Dieu, cette histoire est vraiment à part. Il faut que je le fasse. Je veux donner le ton et le rythme de la série, je vais réaliser le pilote. ». ». Forcément, Guzikowski est aux anges. « Lorsque Ridley a lu les scripts » raconte ce dernier au site SciFiNow, « il a immédiatement commencé à dessiner des story-boards à la main, je ne m’y attendais pas ! Je ne pensais pas qu’il voudrait réaliser le pilote. Avant qu’il annonce sa décision, j’étais très inquiet du choix du réalisateur, car la cohérence de la série dépendait grandement de son exécution artistique, je savais que ce n’était pas évident à por [...]
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