PREVIEW : TOUS LES DIEUX DU CIEL de Quarxx

Dans l’actuel paysage cinématographique de genre français, faut-il être un peu fou pour transformer en long-métrage un court perclus de réalisme glauque et d’imaginaire désespéré ? Bien sûr mon général. Et comme on ne s’appelle pas « films fous » pour rien, on se devait d’aller voir ce que nous mijotait le déjanté Quarxx avec son Tous les dieux du ciel. Petit budget mais grosses ambitions pour un cinéaste au parcours un peu dingo, suivi par des producteurs passionnés et une équipe fidèle.
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Un petit matin d’octobre, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, dans un coin verdoyant du Val d’Oise. La fraîcheur du fond de l’air est compensée par la beauté des lieux. Nous sommes à l’Abbaye de Royaumont, un ancien monastère fondé en 1228 par Louis IX. Calme, absence de luxe et, bien sûr, aucune volupté : l’atmosphère est, comme il se doit, monacale. Sous les élégantes voûtes de style médiéval circulent quelques bonnes soeurs silencieuses qui s’en vont vaquer à leurs occupations. Soudain, une voix dynamique déchire l’air : « Touche-toi bien les couilles ! Plus pervers ! ». L’auteur de cette singulière imprécation n’est autre que le réalisateur Quarxx, calé derrière son combo. Le figurant à qui est destiné ladite indication est l’une des « silhouettes » engagées pour cette journée de tournage, des comédiens au lourd handicap physique qui aident à transformer Royaumont – désormais lieu de recherches, de culture et de tourisme – en un asile religieux pour les besoins de Tous les dieux du ciel, (presque) premier long-métrage de Quarxx. Un nom qui ne doit pas vous être inconnu si vous lisez Mad depuis un moment : l’homme est apparu plusieurs fois dans la rubrique Mad in France du sieur Chaffiot via une poignée de courts-métrages bien barrés. La dernière fois, c’était en mai 2016, dans le numéro 296, pour Un ciel bleu presque parfait. Tiens, encore une histoire de ciel ? Normal, car Tous les dieux du ciel est la version longue d’Un ciel bleu…




TUÉ DANS L’OEUF
Mais n’allons pas trop vite. Car il y a d’abord beaucoup à dire sur le sieur Quarxx. Artiste-peintre, il a tâté de la mise en scène dès 2004 en commençant directement par un long-métrage nommé Bushido Boogie, totalement autoproduit et source d’une aventure peu commune, puisque l’apprenti réalisateur finira par passer deux jours dans les geôles chinoises après avoir été soupçonné d’espionnage. Voilà qui donne le ton d’une filmo placée sous le signe du joyeux bordel bricolé et du trash gentiment provo. Un rien désinvolte ? Pas vraiment, car cette envie de faire un ciné « en roue libre » naît d’une expérience difficile, un long-métrage titré Marginal tango développé en 2008 chez Canal+ et tué dans l’oeuf quatre jours avant le tournage « On a bossé deux ans pour rien. Ça m’a inspiré l’histoire très autobiographique – parce que j’étais quand même au fond de la lose – de Youri Israël et Tomo Oktopuss dans Rasta Kamikaze Bang Bang, qui essayent de faire un film sans jamais y arriver. » Rasta Kamikaze Bang Bang, soit le début pour Quarxx d’une trilogie de courts complétée par Dirty Maurice et Zeropolis. « Avec ces trois films, je voulais totalement me faire plaisir, faire du « what the fuck » en me foutant des contraintes, qu’elles soient scénaristiques ou autre. Je m’en foutais du sérieux, de la crédibilité. J’en avais tellement chié surMarginal tango, on m’avait imposé tellement de trucs… Et finalement,Rasta Kamikazea plutôt bien marché, avec 400.000 vues cumulées sur le Net. Un petit succès public. » Toutefois, ses courts suivants amorcent chez Quarxx l’envie de se frotter à un peu plus de réalisme. Dans But, deux losers cherchant à faire une surprise à une jeune cancéreuse le soir de Noël sont obligés de tuer toute la famille de cette dernière après un malencontreux accident. Et dans Nuit noire, c’est le quotidien de travailleurs/ses du sexe et de leur entourage qui sert de point de départ à une descente aux enfers hystérique. « Nuit noire a eu un parcours assez sympa, on a fait une petite dizaine de festivals et gagné le prix du meilleur film et de la meilleure réalisation au Los Angeles Film Festival. Finalement, c’était assez sympa d’être pris au sérieux. »




À LA RECHERCHE DU PROD’ PERDU
Tellement sympa qu’avec son court suivant, Un ciel bleu presque parfait, Quarxx ira visiter 85 festivals de par le monde, et pas des moindres. Un film pensé pour être respectable, donc ? Pas vraiment, si l’on en juge par sa genèse : « L’impulsion de départ est un peu bizarre et glauque : en 2012, j’étais à La Réunion pour préparer une expo photo sur la mort, et pendant une petite teuf, j’ai rencontré une médecin légiste, la femme d’un très bon pote. Je lui demande si je peux assister à une autopsie, et elle me répond qu’elle en a justement deux de calées pour le lendemain matin. Je lui dis : «OK, pas de souci !», puis, un peu bourré, je vais me coucher. Et le lendemain à 8h, elle me réveille en me disant : « Allez, on va faire l’autopsie là ! ». C’était la première fois que j’étais confronté à des cadavres. Le premier, c’était un pendu, il fallait vérifier si c’était vraiment un suicide. Et le deuxième corps était celui d’une jeune femme d’une trentaine d’années. Ma pote m’explique qu’elle a été retrouvée morte chez son frère, qui a vécu avec le cadavre de sa soeur pendant trois semaines avant d’appeler les autorit&eac [...]

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