"Farang", justice sauvage

Farang

Après avoir bouclé trois épisodes de la première saison de Gangs of London, Xavier Gens s’est envolé en Thaïlande pour y tourner Farang, un film de vengeance ponctué de séquences de combat qui ne dépareilleraient pas chez Gareth Evans. Le réalisateur nous présente en exclusivité son nouveau bébé produit par StudioCanal, dont la sortie française est pour le moment prévue au cours du premier semestre 2023.

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Tout juste sorti de Fresnes, Sam a du mal à échapper à son passé de délinquant. Après avoir tué en état de légitime défense l’un de ses anciens commanditaires, le jeune homme fuit vers la Thaïlande. Bien qu’étranger (« farang » dans la langue locale), il parvient à fonder une famille, mais un choix inconsidéré va bientôt placer ses proches dans la ligne de mire de la mafia locale…

Premier constat à la vision de Farang : Nassim Lyes, vu dans Kandisha du duo Bustillo/Maury et dans la mini-série The Spy aux côtés de Sacha Baron Cohen, se montre très convaincant en cogneur torturé. Olivier Gourmet, de son côté, jubile dans un rôle de parrain expatrié et particulièrement cruel, et son absolu contre-emploi équilibre judicieusement le ton de cet étrange actioner.

« Ce méchant n’est pas un personnage qui va se la raconter » précise Xavier Gens. « C’est pour ça que j’ai essayé de trouver un acteur authentique et non un caïd. À un moment, on m’a soufflé dans l’oreille qu’il fallait proposer le rôle à Booba, ce qui était totalement inadapté. Gourmet, par sa seule présence, te raconte une histoire, il te ramène son bagage social avec les frères Dardenne… Et finalement, tu n’as pas besoin de trop développer. Quand on a un plan sur une photographie de sa famille, inutile de commenter. J’ai d’ailleurs coupé un dialogue dans cette séquence car je trouvais ça trop insistant. L’inspiration de ce personnage, pour moi, c’était Gene Hackman dans Impitoyable : un type un peu pathétique qui fait la loi dans son quartier. »



Le directeur de la photographie Gilles Porte et le cadreur thaï Aon Thitinun Lerdkijsakul en pleine mise en scène.


SECONDES CHANCES

Autour de Lyes et Gourmet, Farang déploie un cast thaïlandais cinq étoiles. « La gamine qui joue la fille de l’héroïne était impressionnante » poursuit Gens : « on avait l’impression d’appuyer sur “on” en criant “action” et sur “off” en criant “coupez”. En ce moment, elle tourne un film avec Peter Farrelly ! On a pu travailler avec Vithaya Pansringarm, qui tenait déjà l’un des rôles principaux de Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, face à Ryan Gosling. Celui qui joue Samba (Sahajak Boonthanakit – NDR) était quant à lui dans Treize vies de Ron Howard avec Viggo Mortensen. J’ai même pu rencontrer Banjong Pisanthanakun là-bas, et j’ai employé une partie du cast de son film The Medium. Ce sont tous des acteurs démentiels, avec une culture du travail à cheval entre les méthodes asiatiques et les habitudes anglo-saxonnes. En les observant, on ne peut qu’embrasser leur culture, et des discussions durant la préproduction ont clairement pesé sur l’écriture de Farang»

En témoignent des inserts sur des amulettes sacrées disséminés dans le montage, ainsi qu’une séquence onirique tout droit sortie d’un film de fantôme asiatique. « Les amulettes que l’on voit dans le film sont très importantes en Thaïlande » précise Gens. « C’est Vithaya qui m’en a parlé : il s’agit d’amulettes de protection, un peu comme le crucifix chez les catholiques, l’étoile de David pour les juifs ou la main de Fatma chez les musulmans. Dans Farang, tous les personnages ont une amulette spécifique ; celle de l’héroïne, par exemple, contient des cheveux de sa fille. On s’est vraiment pris la tête sur ces petits détails afin de capter la vie quotidienne thaïlandaise, loin des endroits touristiques qu’on a l’habitude de voir à l’écran»

Ce degré d’attention peut trancher avec la narration très rectiligne du film, que certains pourront rapprocher hâtivement des codes du cinéma d’action façon Europa Corp.

Gens assume toutefois la trajectoire vengeresse de son héros, mû par un inflexible instinct paternel. « Un jour, j’ai perdu de vue ma gamine sur une plage et ç’a été le quart d’heure le plus terrifiant de toute ma vie. Dans les films comme Taken, le héros est un agent secret, un militaire, un expert qui attend de ressortir de sa cachette. Dans Farang, le protagoniste sort de prison, il n’est pas spécialiste de quoi que ce soit, il n’est pas surentraîné ni formé à toutes les techniques de combat. Il doit réagir avec sa culture urbaine et il essaie de survivre au quotidien. Il va avoir une seconde chance grâce à une rencontre. Tous les personnages du film, d’ailleurs, sont en quête d’une seconde chance, y compris le vilain incarné par Olivier Gourmet. C’était une volonté thématique dès l’étape de l’écriture. Beaucoup diront que c’est seulement un prétexte à l’action, mais on a quand même essayé de mettre autre chose que de la bagarre dans le film. Certes, on extrapole sur le sujet de la paternité et sur ce que le héros est capable d’accomplir au nom de sa fille, mais c’est la beauté du 7e Art. Au cinéma, on a le droit d’aller dans le baroque. »


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