PREVIEW : BLOOD MACHINES DE SETH ICKERMAN

Le duo de réalisateurs français Seth Ickerman fait preuve depuis plus de huit ans d’un refus obstiné des concessions. Une ligne de conduite synonyme de suicide commercial par les temps qui courent, mais qui a pourtant donné Turbo Killer, un hallucinant clip de SF créé pour la musique « psycho eighties » de l’artiste electro Carpenter Brut. Quatre millions de clics plus tard, cette association de malfaiteurs se reforme pour Blood Machines. En pleine postproduction, les Seth Ickerman nous en disent un peu plus sur leur nouvelle oeuvre. Un clip ? Une série ? Un film ? Va savoir…

Petit rembobinage de votre cassette TDK : dès la fin des années 2000, Mad braque ses projecteurs sur deux gus pas très bavards. Après un court en stop motion intitulé Ratrix, ils embrayent sur le moyen-métrage Kaydara, fanfilm ultime situé dans l’univers de Matrix. Ce petit projet qui devait les occuper quelques mois aura finalement mis six ans à devenir réalité. À eux deux, Savitri Joly-Gonfard et Raphaël Hernandez font quasiment tout sur le film : mise en scène, décors, et surtout une quantité invraisemblable d’effets spéciaux (fruits d’un habile mélange de maquettes et de numérique) qu’ils doivent apprendre à confectionner sur le tas. Malgré l’exploit que représente le produit fini, les Seth Ickerman ne transforment pas l’essai. La faute à qui ? Le cinéma de SF n’existe quasiment pas en France, et les rares producteurs (même étrangers) qui se frottent aux deux réalisateurs repartent en courant, apeurés par l’ambition du duo et leur « fuck you attitude » dès qu’il s’agit de lisser leurs idées. « Sav & Raph » auraient pu tranquillement devenir des fonctionnaires du SFX en attendant leur heure de gloire, mais à quelques exceptions près, le duo refuse tout travail de prestataire. Ils enchaînent les projets ambitieux, conceptualisés à coup d’artbooks et d’essais filmés qui laissent bouche bée les rares privilégiés ayant pu y jeter un oeil. Malgré des efforts surhumains pour « normaliser » leurs rapports avec le business (Festival de Cannes, démarchage de producteurs, rendez-vous à Los Angeles), les Seth Ickerman sont coincés par leur inébranlable foi en leur art : leurs visions sont trop grandes pour la France, et leur philosophie trop libre pour Hollywood.


TUEUR TURBO
Le cinéma est plein d’histoires tragiques de créateurs n’ayant jamais pu démontrer l’étendue de leur talent. Un sort qu’auraient pu partager les Seth Ickerman, mais un petit déclic va tout changer. Ou plutôt, des clics, quatre millions pour être exact. En 2014, le festival Mauvais Genre de Tours demande poliment au duo de lui concevoir un teaser. Savitri et Raphaël acceptent et livrent, comme à leur habitude, un objet visuel parfait pour quasiment zéro euro de budget. Pour accompagner ledit teaser, ses concepteurs se tournent vers un musicien du nom de Carpenter Brut, dont ils apprécient depuis un moment les vagues synthétiques très années 80. L’artiste accepte de prêter un morceau. L’alchimie entre le son et l’image est immédiate, naturelle, parfaite. Une convergence de talents qui débouche sur une belle rencontre. « Carpenter Brut et nous, on se ressemble sur pas mal de points, notamment sur le côté un peu sauvage » clament les Seth (qui parlent d’une seule voix dans cet article). En d’autres termes : quand des artistes autistes se mettent sur la même longueur d’onde, cela fait des étincelles. Conscients que leur union artistique fait sens, les trois outsiders décident de remettre le couvert avec le clip du titre Turbo Killer. Comme d’habitude, prisonniers d’un paradigme qui semble leur coller à la peau, les Seth Ickerman ont très peu d’argent pour réaliser un projet totalement démentiel sur le papier : des femmes possédées, des courses-poursuites motorisées, un immense vaisseau spatial… Tout un univers à construire. « Turbo Killer est un clip qui ne peut pas exister dans un environnement économique normal. S’il a pu voir le jour, c’est parce qu’une fois de plus, nous nous sommes sacrifiés pour le faire. » Le duo se « sacrifie » donc en imaginant, dessinant et façonnant le moindre détail de leur nouvelle création. « Si on accepte de faire quelque chose, on le fait à fond. On ne sait pas faire dans la demi-mesure, avec ou sans budget. En revanche, quand il n’y a pas d’argent, ou très peu, personne ne doit nous orienter ou nous réfréner. C’est le contrat ! » Le clip, est donc à 100 % l’oeuvre du du [...]

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