POURQUOI MAD MAX: FURY ROAD EST LE FILM DE LA DÉCENNIE ?

Mad Max: Fury Road

Sorti il y a quatre ans et demi, le monument de George Miller a donc été élu par la rédaction de Mad Movies comme LE film des années 2010. Nous avons décidé de nous pencher une dernière fois (?) sur cette monstrueuse proposition de cinéma, et d’expliquer en cinq points son importance décisive dans l’Histoire du 7e Art.

 1 - GEORGE MILLER CRISTALLISE LES ENJEUX DE NOTRE ÉPOQUE
Chaque décennie a droit à un ou plusieurs films prophétiques, sinon d’une pertinence politique et sociale hors du commun. Les années 1990 avaient été marquées par Titanic de James Cameron (synthèse d’un siècle d’inégalités sociales et d’un système capitaliste voué au naufrage) et surtout Starship Troopers de Paul Verhoeven, dont le récit annonçait avec quatre ans d’avance les événements du 11 septembre et l’invasion du Moyen-Orient par l’administration Bush. Les années 2000 avaient vu naître Les Fils de l’homme d’Alfonso Cuarón, La Guerre des mondes de Steven Spielberg et bien sûr Avatar, scrutant chacun à leur manière une humanité individualiste et confrontée à sa propre destruction. Aucun film n’aura cristallisé les enjeux des années 2010 avec la justesse de Mad Max: Fury Road, bien qu’il ait été développé sur une période de 20 ans. Tout y passe : la communication en vase clos de médias automatisés continuant d’envoyer des « émissions » depuis l’orbite terrestre sans se soucier du fait que plus personne ne les écoute ; l’exploitation du désastre écologique par des puissants désireux de dresser les faibles les uns contre les autres (« Ne tombez pas dans le piège de devenir dépendants de l’eau » ose lancer Immortan Joe à une foule assoiffée, « elle vous prendra tout, et vous mépriserez son absence. ») ; la propagation de discours religieux adaptés à chaque frange de la société (les Warboys sont par exemple conditionnés à idolâtrer le Dieu V8 et idéaliser le Walhalla, récompense suprême de leur sacrifice)… Fury Road adresse également la structure patriarcale d’une société pensée pour réduire les femmes à la servitude et au silence. La séquence où Max découvre les « épouses » d’Immortan Joe en train de se laver au ralenti en plein désert est en soi un piège tendu par Miller à son public mâle. Après une succession de plans à l’esthétique volontairement glamour et publicitaire, le cinéaste révèle que ces évadées ont été violées, engrossées de force et obligées de porter des ceintures de chasteté moyenâgeuses, qui font littéralement d’elles des esclaves, voire des objets sans âme. Miller ayant du flair, Immortan Joe ressemble trait pour trait à Donald Trump et est entouré de deux fils particulièrement idiots… Pour équilibrer son discours, le cinéaste clôturera son épopée sur l’ascension d’un groupe de femmes à la tête d’un empire. Si les motivations affichées par Furiosa et ses soeurs sont encourageantes, Miller laisse tout de même planer le doute sur l’avenir de cette société alternative, qui pourrait tout à fait se diriger vers la dystopie matriarcale de Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre.




2 - UNE RÉACTION RADICALE À LA TYRANNIE DU « FANDOM »
Si la vague néo-slasher des années 90 (Scream, ses suites et ses ersatz) avait su imposer une démarche « méta » auprès du grand public, rien ne nous avait préparés au tsunami référentiel et nostalgique des années 2010. Les geek-fest se sont ainsi multipliés tout au long de la décennie, parfois avec un vrai discours de fond et des questionnements passionnants vis-à-vis de l’avenir des cultures populaires (Ready Player One, Spider-Man: New Generation). Mais le plus souvent, les studios se seront contentés de brosser le nerd dans le sens du poil par pur opportunisme, exploitant une imagerie confortable sans jamais lui adjoindre quoi que ce soit de novateur. Des films/placements de produits comme Pixels, Les Mondes de Ralph ou Deadpool, des superproductions très codifiées comme celles de Marvel ou des séries sous haute influence comme Stranger Things ont fini par conditionner les attentes du public. Les producteurs, scénaristes, réalisateurs et showrunners y affichent une connivence tacite avec leurs spectateurs, qui a fini par devenir totalement réciproque. Prendre les attentes du public à revers, dans les années 2010, revient à se mettre à dos des hordes de geeks enragés, condamnant à longueur de diatribes postées sur le Net la moindre prise de risque narrative ou tonale. Rian Johnson en a fait les frais avec son dissident Star Wars : épisode VIII – les derniers Jedi, faisant dévier la saga de George Lucas – et par extension une formule hollywoodienne a priori tranquille – d’un chemin que beaucoup espéraient immuable. En se passant de sa star Mel Gibson, en faisant abstraction du récit et de la temporalité de la trilogie Mad Max originale et en abandonnant les thèmes musicaux emblématiques de Brian May, G [...]

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