No Future
Final Hours
Jouant sur les sensations et le non-dit avec une maîtrise admirable, le prologue de Final Hours justifie à lui seul l’existence du long-métrage. En six minutes hypnotiques, où s’entrechoquent des visions déstabilisantes ou désespérées, le scénariste/réalisateur Zak Hilditch parvient à brouiller les données temporelles de son récit. C’est d’ailleurs un postulat dramatique en soi : confrontée au crash imminent d’un météore (catastrophe confirmée dès la fin du prologue, via une émission radio qui ponctuera subtilement la narration), l’Humanité se retrouve privée de repères, et livrée à des choix idéologiques propres à chaque individu. Venu faire ses adieux à sa maîtresse Zoe (Jessica De Gouw) en couchant avec elle une toute dernière fois, James (excellent Nathan Phillips) doit faire un choix : attendre la fin à ses côtés, sur une plage paisible, ou rejoindre sa petite amie officielle, partie s’éclater dans une orgie libératrice à quelques kilomètres de là. La décision de James, que l’on devine être un bad boy alcoolique et cocaïnomane, est prévisible. Plutôt que de s’attarder en dialogues, Hilditch la synthétise habilement en un plan éphémère : celui d’un panneau reflété (donc inversé) dans le rétroviseur de la voiture du héros, arborant le nom de la plage qu’il vient de quitter. Rétroviseur qui, soit dit en passant, reflétera bien plus tard un personnage-clé lors d’une séquence bouleversante. La démarche visuelle peut sembler modeste, mais diffuse au contraire une émotion sincère et furieusement communicative, imprégnant le film dans son ensemble.
L’impact du météore ayant lieu en Europe, l’Australie sera touchée par la vague de feu dans les douze heures. Tout juste le temps pour James de se droguer à mort, et de perdre toute conscience lorsqu’arrivera enfin le moment décisif. Se focalisant sur l’odyssée d’un personnage égratigné, aux ambitions condamnables mais aux instincts étonnamment nobles face à l’adversité, Final Hours propose un récit initiatique particulièrement cruel. L’humanisation progressive de cet antihéros ne pouvant déboucher que sur une fin tragique, c’est bien son voyage qui compte ici le plus. Le film propose dès lors une vision détournée du proverbe d’Horace « Carpe Diem quam minimum credula postero » (« Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain »), la mort du fameux « lendemain » amenant James à se transcender à l’instant présent. Logique dans ce contexte que Final Hours se construise autour d’une série d’épreuves morales inextricables : Hilditch ne cesse en effet de placer sur la route de son protagoniste des victimes et des bourreaux, chacun l’implorant avec plus ou moins d’insistance de rejoindre leur doctrine et leur camp. Refusant tout manichéisme, le film prend le risque d’épouser les doutes de son héros. Sa quête introspective est à ce titre longtemps présentée comme un dommage collatéral, le sauvetage hésitant d’une petite fille l’ayant coincé dans un engrenage incontrôlable. De ce désarroi permanent, culminant avec l’arrivée de la gamine dans une gigantesque scène de débauche (la jeune actrice aura heureusement été protégée par un impressionnant effort de montage), Final Hours puise une capacité remarquable à désarçonner son public. Mieux : à défier régulièrement son sens moral, notamment lorsqu’un père demande à James de tuer sa famille à sa place, afin d’abréger leurs souffrances. Un dilemme insoluble, donc glaçant.
Épousant le point de vue de James, en le plaçant souvent au milieu du Scope et en bâtissant les contrechamps autour de son amorce, le film raconte le chaos ambiant de façon subjective et subliminale. Plutôt que de donner dans le voyeurisme, Hilditch montre juste ce qu’il faut, en reléguant cette fin du monde la plupart du temps à l’arrière-plan. Martelé par des vagues, le corps d’une jeune femme gît par exemple aux côtés d’une dizaine de bouteilles vides. Dans un plan large fugace, un homme nu est pendu à un réverbère, face à un mur recouvert d’une inscription de sang : « Désolé, il fallait que je parte. ». Au détour d’un mouvement de caméra rapide, le cadavre d’un enfant est abandonné le long d’un trottoir. À l&rsqu [...]
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