NI SALLES NI VIDÉO

Autrefois considérée comme un purgatoire peu fréquentable, la VOD (« Video On Demand ») est peu à peu devenue le refuge de tout un pan de la production cinématographique indépendante, souvent écartée des salles pour des raisons économiques. Une mutation globalisée qui n’a pas que des inconvénients, même si cette nouvelle forme de distribution prive certaines pépites de l’attention qu’elles méritent…
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Dans les années 90, les choses étaient relativement simples : le monde du « Straight to video » (ou DTV pour « direct-to-video », comme on dit ici) était généralement réservé aux productions gore fauchées (Nekromantik), aux longs-métrages qualifiés de « nanar » en festivals (Trauma de Dario Argento) ou aux grosses machines américaines dont le bide au box-office US avait compromis une éventuelle distribution française (au hasard, Les Aventures de Ford Fairlane ou encore Génération sacrifiée des frères Hughes). Plutôt large, le spectre couvert par les salles de cinéma permettait à l’époque de visionner une comédie noire (L’Ultime souper avec Cameron Diaz), un polar sans le sou (Innocents et coupables de Paul Mones, scénariste du Grand tournoi et de Double Team !) ou une série B trash (Freeway, produit par Oliver Stone) dans les mêmes conditions que des titres plus friqués et « respectables ». Au fil du temps, plusieurs facteurs concomitants (effondrement du marché de la vidéo, augmentation du prix du ticket, piratage sur Internet…) ont fini par changer la donne, entraînant une profonde mutation qui a abouti à la fermeture de nombreux écrans – comme le mythique Kinopanorama à Paris –, souvent remplacés par des multiplexes à la déco digne d’un terminal d’aéroport, et dont la programmation s’avère majoritairement tournée vers les blockbusters US et la comédie franchouillarde. De quoi provoquer quelques sueurs froides chez les indépendants, qui n’avaient plus les reins suffisamment solides pour assurer une campagne marketing apte à attirer un public désormais acquis au confort du « cinéma à la maison » apporté par la vidéo. Trop de films et plus assez de place pour les diffuser : aujourd’hui, les professionnels n’ont d’autre choix que de migrer vers Internet, où le procédé du streaming implique des frais moins élevés que ceux du cinéma, du DVD ou du Blu-ray. Avec succès, puisque l’essentiel de la production actuelle trouve son audience non pas en salles, mais via les réseaux de VOD (location/achat simple) ou de SVOD (abonnement mensuel), et ce, avec une régularité d’autant plus soutenue que la démocratisation du numérique permet à quiconque de financer (via le crowdfunding) et/ou distribuer mondialement sa création en seulement quelques clics stratégiques. 



PAR LA PETITE PORTE 
Si ce passage au tout numérique a de quoi inquiéter les amateurs de projections à l’ancienne, il faut reconnaître que cette nouvelle manière de consommer les films possède d’indéniables avantages pour les aficionados en quête d’un fix cinématographique. D’abord parce que les éditeurs sortent en haute définition des fonds de catalogue n’ayant pas eu droit au Blu-ray. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les adeptes d’iTunes et Netflix peuvent ainsi (re)découvrir Le Cercle infernal, Le Locataire, Cruising ou Week-end de terreur dans de beaux transferts 1080p qui feront le bonheur de ceux qui se sont abimé les yeux sur des copies floues à l’époque de la sacro-sainte VHS. Ensuite parce que cet afflux massif permet de profiter, directement dans son salon, d’une flopée de films récents présentés dans des festivals prestigieux comme Sundance, Toronto ou South By Southwest. Étrangement, la plupart de ces longs-métrages sont privés de toute forme de promotion dans l’Hexagone, alors que n’importe quel distributeur de DTV américain fournit de son côté suffisamment de matériel aux journalistes (extraits, making of, photos…) pour leur permettre de traiter l’actualité du moment. On se demande ainsi comment un titre comme Coherence (James Ward Byrkit, 2013) a pu débarquer sans tambour ni trompette sur le store français d’iTunes alors qu’il bénéficiait, quelques mois auparavant, d’une véritable couverture médiatique dans la presse spécialisée américaine lors de sa sortie simultanée en salles et en VOD. Même constat pour The Apparition de Todd Lincoln (shooté en 35 mm et éclairé par Daniel Massacre à la tronçonneuse Pearl), le « frank-henenlotteresque » Bad Milo ! (Jacob Vaughan, 2013), le satirique Starry Eyes (Kevin Kolsch & Dennis Widmyer, 2014), l’anthologie V/H/S, le Hidden des frères Duffer (responsables de Stranger Things) ou le drame horrifique Honeymoon (Leigh Janiak, 2014), qui sont tous visibles en France… à condition d’explorer minutieusement la rubrique « horreur » d’iTunes et autre Netflix. Il faut croire que l’aspect dématérialisé du business 2.0 renforce la notion d’anonymat, les oeuvres étant devenues de simples marchandises destinées à alimenter les étagères virtuelles des sociétés de VOD. Surtout aux USA, [...]

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