MILLENNIUM ACTRESS

Une injustice cinéphilique vient d’être réparée. Le merveilleux second long-métrage de Satoshi Kon, jusqu’ici uniquement visible en France en DVD, sort enfin en salles dans une version restaurée 4K. L’écrin idéal pour ce virtuose et bouleversant voyage dans l’Histoire du cinéma japonais.
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Dans le premier long-métrage signé Satoshi Kon, Perfect Blue (1997), une ancienne idol reconvertie dans le métier d’actrice sombre dans la folie tandis que des accidents étranges, aux fortes allures de meurtres, se multiplient autour d’elle. Sous la pression de son nouveau métier, le mental de Mima brouille peu à peu les frontières entre réalité et fiction. Les scènes du drama crapoteux où elle défend vaille que vaille un troisième rôle se confondent avec son vécu, l’éclairent autant sur sa situation présente qu’elles ne l’exacerbent sous une lumière beaucoup trop crue. Tout le cinéma de Satoshi Kon se bâtit sur cette immixtion entre les différents niveaux de réalité. Film, psyché, fiction, réel, rêve, veille, cauchemar, tout résonne sans cesse, tout n’est qu’aller-retour entre différents états pour brutaliser la dramaturgie. Une dimension ne prime pas sur l’autre mais la complète, les hasards n’en sont pas, si tant est qu’on prenne la peine d’y réfléchir. Paprika (2006), l’ultime long-métrage de Kon, intègre dès sa fabuleuse scène introductive ce glissement permanent, qui ne fera que gagner en ampleur au fil de l’intrigue. Les treize épisodes de Paranoia Agent (2004) élaborent chacun un pan de réalité, dont l’addition finit par engendrer une autre dimension narrative, fiction dans la fiction grâce à laquelle une brève incursion consciente s’opère. Mais dans la trop courte filmographie de Satoshi Kon, le splendide Millennium Actress reste le modèle indépassable de ce motif.




MIEUX VAUX TARD...
En France, il aura fallu attendre 2019 et la restauration du film, 18 ans après sa sortie japonaise, pour qu’un distributeur courageux sorte enfin Millennium Actress en salles, et rende sa spectaculaire beauté lyrique accessible à tous. Les chanceux qui étaient présents à la séance du dernier festival Hallucinations collectives, durant la carte blanche donnée à Hélène Cattet et Bruno Forzani, le savent mieux que quiconque : il faut découvrir Millennium Actress en salle. Oui, bien sûr, cet argument est la tarte à la crème préférée des contradicteurs en déroute – « Tu n’as pas vu Avatar/Mad Max: Fury Road/Gemini Man/Les Tuche 3 sur grand écran ? Inutile de poursuivre les débats, tu ne peux pas entendre raison et savoir ce que le film exprime vraiment. » La même impasse rhétorique s’applique à Millennium Actress, sans qu’aucune once de mauvaise foi ne puisse toutefois être soupçonnée. Ne serait-ce que pour embrasser pleinement son incroyable richesse visuelle, ses infinis détails dont dix visions ne suffisent pas à faire le tour. Et surtout, pour coller à la vision et à la démarche de l’auteur. Le deuxième long-métrage de Satoshi Kon est en effet un film-somme sur le cinéma et sur les émotions qu’il procure à la fois au public et à ses artisans. L’exaltation de la narration et ses entrelacs vertigineux tourbillonnent, emportent vers la sublimation absolue du processus de transmission. Millennium Actress ne vibre pas seulement d’une cinéphilie érudite, uniquement réservée à qui saura y reconnaître les hommages à Yasujirô Ozu ou à Akira Kurosawa : le film fonctionne avant tout à la pure émotion, au signe cognitif immédiatement tangible afin de raccrocher au parcours de son héroïne. Dans ce mouvement permanent entre [...]

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