Massacre à la tronçonneuse : 40ème anniversaire

Massacre à la tronçonneuse

D’aucuns diraient qu’il n’avait pas besoin de lifting, qu’à désormais 40 balais, il était toujours vert. Soit. Mais cet anniversaire, forcément monumental, ne pouvait se fêter qu’avec un putain de cadeau. Qu’on se le dise : la ressortie de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE en version restaurée 4K inédite est l’un des plus beaux événements de l’année. Et l’occasion pour nous de remonter aux sources d’un traumatisme toujours aussi vivace, avec quelques témoignages très très précieux.



Interview TOBE HOOPER

Réalisateur et scénariste

L’auteur de MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE nous confiait ses impressions et souvenirs au lendemain de sa présentation cannoise, pile quatre décennies après une projection qui aura changé la face du cinéma d’horreur. 



Dans un précédent entretien (voir Mad Movies n°235), vous nous aviez dit que lors d’une ancienne restauration de
Massacre à la tronçonneuse, les couleurs étaient ressorties d’une manière très différente. Comment avez-vous travaillé pour que la nouvelle copie numérique 4K retrouve les tons automnaux de l’original ? 

Oui, les couleurs étaient alors passées de noir et ambre à noir et vert. Je savais donc qu’il y avait une peur concernant les altérations que pouvait apporter le 4K. Mais je suis très content du résultat, dont j’ai supervisé l’étalonnage des couleurs en répétant sans cesse : « Non, c’est trop clair. Non, c’est trop… ». Je craignais aussi que le son en 7.1 nous fasse perdre la balance originale, comme cela a été le cas avec les nouveaux mixages de L’ExorcisteLa Mélodie du bonheur ou My Fair Lady. Dieu merci, le mixage de Massacre… est toujours là : l’impression est la même, et en plus, l’effet Surround la fait passer au-dessus et au travers de votre tête.

Cette copie 4K a été projetée à la Quinzaine des Réalisateurs, pour célébrer le 40ème anniversaire du passage du film dans les mêmes lieux. Quel souvenir gardez-vous de cette première expérience festivalière d’envergure ?

Je me souviens que les gens se pressaient contre la vitre pour essayer d’entrer dans la salle. Et une fois qu’ils étaient tous entrés, quelqu’un m’a chuchoté à l’oreille : « On a reçu un appel disant qu’il y a une bombe. ». Je me suis alors senti comme un capitaine quittant son vaisseau en dernier, et je suis monté sur scène pour déclarer : « Il faut fouiller la salle, et vous devrez attendre une heure avant que l’endroit soit sécurisé. ». J’ai découvert plus tard que c’était un Américain, dont je ne peux mentionner le nom car il est très connu et extrêmement influent, qui avait lancé cette fausse alerte à la bombe. Il voulait juste avoir un siège, et quand on m’a raconté cela, je me suis exclamé : « Oh, mec… Quel coup merdique ! ». Cependant, la réaction du public a été incroyable, et cette séance a déterminé une grande partie de ma carrière et de ma vie. De la même manière, j’ai eu l’impression d’une renaissance hier soir : j’ai commencé à réentendre cette petite musique que j’ai toujours en moi, mais qui s’était atténuée pendant toutes les années passées à Los Angeles. Cannes est le plus important, le seul festival au Monde. Je me suis rendu compte que j’aurais dû revenir ici tous les ans, que j’aie un film ou non, car il y a une énergie artistique que vous pouvez sentir. Comme l’a dit Nicolas (Winding Refn – NDR) lors de sa présentation de Massacre… hier : « Les Oscars, vous les payez. La Palme d’Or, vous la gagnez. ».



Est-ce vrai qu’au moment de sa première projection à Cannes, le film était déjà sorti aux États-Unis, sous la bannière d’une petite société de distribution new-yorkaise spécialisée dans le X et gérée en fait par la mafia ?

Oui, ils avaient aussi à leur catalogue les versions de Frankenstein et Dracula présentées par Andy Warhol. Et quand ils ont arrêté de nous verser de l’argent, nous avons commencé à enquêter, pour découvrir qu’il s’agissait de gens très… sérieux. Mais nous avons réussi à leur reprendre le film, qui est ensuite allé à un autre distributeur, avant de tomber finalement dans l’escarcelle de Bob Shaye qui l’a ressorti avec sa société New Line. Il ainsi connu trois ou quatre sorties en exclusivité, et durant plusieurs années, il a été joué dans presque toutes salles de Hollywood Boulevard et de la 42rue de New York, où il engrangeait de l’argent pour quelqu’un… Bref, si Massacre… a été très intéressant pour moi, il a aussi été une expérience intéressante en tant que produit cinématographique. Avant même Cannes, je crois qu’il avait été projeté à San Francisco, lors d’une projection-test surprise suivantLes Pirates du métro. Or, tout le conseil municipal était venu voir ce dernier, et au milieu de la projection-test, des gens se sont mis à vomir et à se battre dans la rue. Le maire était donc très fâché contre moi, et cela a été le début d’un scandale.

Vous étiez conscient de cet impact possible quand vous avez conçu le scénario ?

La légende dit qu’il a été conçu au moment des vacances de Noël, et c’est une histoire vraie. Je faisais alors du shopping dans un grand magasin, en sachant très bien que je n’avais pas les moyens de satisfaire les membres de ma famille. Je me suis ainsi dit : « Oh mec, j’en ai marre de ce truc de shopping, il faut que je sorte d’ici ». En plus, il y avait là des tas de gens, des centaines, qui semblaient se rapprocher de moi. C’est du moins la façon dont je m’en souviens, mais en tout cas, j’ai secoué la tête et regardé vers le bas. Or, j’étais au rayon quincaillerie, et mes yeux ont fait la mise au point sur un étal de tronçonneuses. J’ai donc pensé : « Si j’en allumais une et fonçais à travers les gens, ils s’écarteraient certainement de mon chemin. ». Évidemment, je ne l’ai pas fait, sans quoi j’aurais fini en prison. Cependant, je suis quand même arrivé à ma voiture, et à la fin du trajet de quinze minutes qui me ramenait à la maison, j’avais élaboré l’histoire. Quelqu’un pourrait entrer dans une famille incroyablement dysfonctionnelle… Bon, je vous raconte un peu ma vie, mais je me suis assis à mon bureau, qui était en fait une table posée sur le sol et une chaise sans pieds, et j’ai mis le vinyle de Goodbye Yellow Brick Road d’Elton John. Il y avait une belle musique par-dessus, mais en écoutant les paroles, je me suis rendu compte qu’elles étaient implicitement très sombres. Tout le récit m’est alors venu : vous ne pouvez pas vous échapper, et si vous le faites, vous revenez en boucle dans la même situation. Comme le personnage de Sally joué par Marilyn Burns, qui s’enfuit et est reprise dans la toile d’araignée encore et encore. 

Mais c’est sur le tournage que vous avez ajouté un aspect fantastique, voire mystique, apporté par la présence inhabituelle du soleil ou de la lune dans le champ ?

Nous aimions tous les « lens flares » (effets de halo obtenus quand la lumière des astres se reflète à l’intérieur de l’objectif – NDR), et j’ai personnellement filmé le plan sur la pleine lune dans mon jardin. J’avais choisi le type de pellicule avec soin, car on a tôt fait de surexposer l’image, vu qu’il fait jour là-haut quand il fait nuit ici. Comme vous le savez, la lune exerce une influence sur la Terre, et il est scientifiquement prouvé que lorsqu’elle est pleine, les asiles mentaux voient une augmentation des cas de démence(Tobe Hooper emploie significativement le terme anglais « lunacy » – NDR). Les éruptions solaires ont aussi un effet, et je voulais inclure toute cette pâte cosmique dans ce qui est une très mauvaise journée. C’est d’ailleurs une très mauvaise journée pour Leatherface aussi : il est très confus dans ses sentiments, et quand il court regarder à la fenêtre, il se demande pourquoi ces gens arrivent les uns après les autres. Il y avait un sous-texte pour tous les personnages, qui touchait à chaque fois à la dysfonction, à ces deux familles dysfonctionnelles qui entrent en collision. Entre elles, et avec des forces cosmiques que certaines personnes prennent pour des conneries, mais qui existent vraiment selon moi.

La fameuse scène du dîner fa [...]

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