Madgazine n°345
LIVRE
KAIJÛ, ENVAHISSEURS & APOCALYPSE
De Fabien Mauro
Aardvark Editions
« Size does matter » (« la taille compte ») pouvait-on lire sur la pré-affiche américaine du formidable Godzilla de Roland Emmerich. Transformant cette tagline en sacerdoce d’écriture, l’auteur Fabien Mauro (déjà responsable d’une excellente monographie sur Ishirô Honda sortie en 2018 chez Rouge profond) fait du gabarit un véritable argument d’autorité : sur près de 550 pages constellées d’affiches, de pavés presse, de photogrammes couleur et noir & blanc, l’exégète nous invite à la (re)découverte d’une galaxie très peu explorée par la littérature cinéma francophone : la science-fiction japonaise. Le genre – probablement trop intimidant pour les écrivains spécialisés, qui ne se sont jamais risqués à son historiographie – est ici embrassé dans ses grandes phases de développement, d’affirmation et de déclin, des premiers monstres de l’immédiat après-guerre jusqu’à l’essoufflement du kaijû eiga à l’orée des années 1980. Avec une rigueur documentaire et une articulation discursive enthousiaste mais jamais geek-autocentrée, Mauro signe un ouvrage à la fois ouvert (voir les biographies et les annexes, éclairantes pour le novice) et pointu (belle idée que d’émailler le sommaire de quelques entrées moins « évidentes », comme Le Visage d’un autre de Hiroshi Teshigahara ou The Visitor in the Eye de Nobuhiko Ôbayashi), une somme dense qui saura peut-être dissiper quelques malentendus d’appréciation – la SF nippone n’a jamais vraiment été estimée à sa juste importance – et, rêvons un instant, favoriser la mise en lumière de films et de metteurs en scène encore cruellement absents des line-up de nos éditeurs vidéo.
F.F.
LIVRE
DUNE – LE MOOK
De Collectif
L’Atalante & Leha
2020 devait être l’année Dune, et en prévision de la sortie événementielle de la nouvelle adaptation du livre de Frank Herbert par Denis Villeneuve, désormais repoussé à la rentrée 2021 pour cause de crise sanitaire, plusieurs ouvrages sur le sujet sont apparus dans les linéaires. Parmi ceux-ci, ce mook imaginé par l’équipe du podcast C’est plus que de la SF et piloté par le journaliste Lloyd Chéry. Un beau bébé de 256 pages, auréolé d’une campagne de financement participatif très relayée. Le résultat est d’une richesse fidèle au foisonnement de l’oeuvre de Herbert, avec pas loin de 80 articles répartis dans cinq grandes parties : « Frank Herbert, un auteur visionnaire », « L’univers de Dune », « Les personnages dans Dune », « Les adaptations » et « Réflexions ». Si un tel sous-découpage implique parfois une enfilade de papiers d’une page un peu trop superficiels, la somme d’informations et la minutie apportée à l’exploration à la fois mythologique, scientifique et dramaturgique de Dune, ainsi qu’à ses déclinaisons filmiques, télévisuelles et ludiques, force le respect. Ce mook devient de facto un ouvrage de référence sur le sujet, ponctué qui plus est d’entretiens pertinents (avec notamment Brian Herbert, le légendaire illustrateur Wojtek Siudmak, Alejandro et Brontis Jodorowsky ou Denis Villeneuve), dont on pourrait toutefois contester la maquette un peu impersonnelle. Ce qui n’enlève rien à l’impressionnant travail de passionnés fourni par ses auteurs.
L.D.
LIVRE
UNE HISTOIRE ORALE D’ANDRZEJ ZULAWSKI
De François Cau et Matthieu Rostac
Nitrate
La guerre, la mort, la machine à broyer du « soviétisme » : autant d’éléments fondateurs de la personnalité d’Andrzej Zulawski et d’une filmographie qui n’aura jamais cessé de servir d’exutoire à ses traumas. Ou quand la pression politique provoque une explosion artistique. Un cinéma fiévreux jusqu’à l’hystérie, mais aussi amoureux des femmes, et qu’on pourrait comparer à celui de Paul Verhoeven, auteur hollandais parti dynamiter le système hollywoodien de l’intérieur en l’éclaboussant de sexe et de violence. Polonais, Zulawski fera à peu près la même chose au sein du cinéma français « bourgeois » cher à Truffaut et Sautet avec L’Important c’est d’aimer, avant de peu à peu se griller en livrant des films de plus en plus extrêmes, hermétiques et malpolis. Publié à l’occasion de la sortie en Blu-ray de Possession chez Le Chat qui fume, ce livre du duo François Cau/Matthieu Rostac, chapitré par films, est uniquement composé d’entretiens avec le frère et les principaux collaborateurs de Zulawski (producteurs, scénaristes, acteurs, monteurs, acteurs…). Des propos truffés d’anecdotes rocambolesques et de révélations inattendues, comme lorsqu’on découvre que David Ayer (Suicide Squad) est un grand fan du réalisateur de La Femme publique. Les projets avortés ne sont pas oubliés : on apprend ainsi que Dino de Laurentiis voulait confier Dead Zone à Zulawski, que le cinéaste tenta de monter un vigilante où un flic as du tir à l’arc pourchasse un archer qui se prend pour Charles Bronson (WTF ?), un film d’aventure produit par la Cannon avec Dolph Lundgren où des légionnaires tra [...]
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