Mad Max : Fury Road Mad / Movies n°286

Mad Max: Fury Road

« Cela faisait des années que je n’avais pas autant admiré un film. » C’est en ces mots que Christophe Gans a ouvert les hostilités à propos du monument FURY ROAD, sur lequel il nous était tout bonnement impossible de ne pas revenir tant le choc provoqué tient du cataclysme. À film exceptionnel, traitement exceptionnel, donc : le réalisateur du PACTE DES LOUPS, SILENT HILL et LA BELLE ET LA BÊTE s’épanche pour nous sur le nouveau chef-d’oeuvre de George Miller. Attention, jouissance analytique inside !

LA SORTIE 

La première projection de Mad Max : Fury Road à laquelle j’ai assistée, c’est-à-dire le jour de sa sortie à 13h, il n’y avait que des quadras et des quinquas dans la salle. Que des mecs de mon âge quoi. Et là, à la quatrième projection – car j’en suis à mon quatrième visionnage ! –, la salle était enfin remplie par le public habituel des blockbusters, je dirai des jeunes gens entre 20/25 ans. On voit bien ce qui est en train de se passer : Fury Road, c’est quand même le retour d’un personnage vieux de trente ans. C’est donc intéressant de se poser la question du film dans cette perspective. Pour nous, et pour moi, qui ai fait Starfix, le personnage de Max, ce qu’il représente, son statut d’icône, ne m’a jamais quitté. Mais en même temps, en regardant le public à la première projection, puis à la quatrième, je me suis dit : « Quand même, ça ne va pas de soi. Ce n’est pas si évident... ». D’une certaine manière, il y avait une prise de risque à ressortir ce personnage plus de trente ans après sa création. Ce qui explique que le démarrage n’a pas été aussi foudroyant qu’on l’espérait, d’autant que le film obtient un taux de satisfaction délirant et un taux de revoyure incroyable ! Les potes qui l’ont revu avec moi la dernière fois l’avaient eux aussi déjà maté au moins deux ou trois fois. À titre personnel, ça ne m’était pas arrivé depuis Avatar de James Cameron. Là, j’attends que Mad Max : Fury Road montre vraiment ce qu’il a sous le capot, que se forme autour de lui un public qui ne lui est pas acquis spontanément du fait de l’âge de son héros, mais qui va finir par se retrouver simplement à cause du génie de son metteur en scène. 


GEORGE MILLER

Mad Max : Fury Road marque le retour aux affaires d’un DIEU de la mise en scène. On avait fini par oublier que George Miller, parce qu’il avait décidé de s’orienter vers le film pour enfants – registre dans lequel il a par ailleurs donné des choses absolument merveilleuses, que ce soit Babe, le cochon dans la ville et évidemment Happy Feet –, était l’un des meilleurs metteurs en scène du monde. Là où Cameron n’avait jamais cédé sa place de poids lourd de la réalisation, Miller, lui, en quittant Hollywood et en travaillant « pour les gosses », avait fini par se débarrasser involontairement de cette étiquette de « génie ». Happy Feet est par exemple un film totalement sous-estimé. Tout comme Babe, qui est littéralement incroyable. Ce qui est d’ailleurs intéressant, c’est que le Mad Max que l’on voit aujourd’hui est filtré par les « films pour enfants » de George Miller. Il y a des images dans Fury Road qui sont le négatif des images de Happy Feet. Ça montre la cohérence de l’univers visuel de leur réalisateur, sa persistance monomaniaque, mais aussi le fait qu’il a une façon de nous parler qui ne change pas, qu’il y ait des animaux ou des êtres humains dans le champ de sa caméra. D’ailleurs, dans Mad Max : Fury Road, on peut se poser la question de savoir s’il filme des animaux ou des êtres humains ! Il y a tout un questionnement sur l’humanité, et où se cache la conscience. Dans Fury Road, Max est traité comme un animal : il est attrapé, dépouillé, tatoué comme une bête d’abattoir, enchaîné, muselé… Le personnage ne retrouve finalement une identité qu’au bout d’une heure de métrage. C’est un pari incroyable de la part de Miller, quand on y pense ! C’est à la fois une façon de faire revenir le personnage et en même temps de nous dire qu’il n’est pas celui que nous connaissons. 


L’UNIVERS 

Il y a tout un jeu mythologique vertigineux dans Fury Road. J’ai revu les trois premiers Mad Max et je me suis rendu compte qu’ils fonctionnaient en définitive comme l’univers de l’Homme sans nom de Sergio Leone. Ce sont les uns et les autres des fausses suites du précédent. Quand on regarde Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand, les personnages sont bien campés par les mêmes acteurs, ils portent tous les mêmes attributs qui les distinguent, mais si on les regarde attentivement en détail, ce ne sont pas tout à fait les mêmes. C’est à chaque fois la même histoire qui, à cause d’une tradition orale, nous est racontée de manière différente et par des témoins différents. D’ailleurs, la tradition orale est quelque chose qui intervient très fortement dans le deuxième Mad Max, avec évidemment la narration en voix-off du Feral Kid. Déjà, le fait que celui-ci nous raconte l’histoire de Max distingue clairement le film de son prédécesseur. C’est une suite, certes, mais c’est déjà « autre chose ». Et Mad Max 3 est encore « autre chose ». Dans Fury Road, Miller reprend tout ce qui a constitué les repères du triptyque qu’il avait mis en place dans les années 70/80 – jusqu’aux plus petits, comme la fameuse boîte à musique du 2 – mais simplement, il nous fait passer l’idée que ce que l’on voit nous est raconté d’une autre façon, par quelqu’un d’autre et dans un contexte différent. Ce qui au final assure la pérennité de l’univers de Mad Max. Car s’il avait voulu faire de Fury Road un vrai « numéro 4 », le film se serait heurté à l’âge de son héros. Là, il ré-assemble les éléments épars de cette mythologie pour en donner une version unique. Et puis, l’idée qu’aujourd’hui la seule personne ayant la maîtrise de l’univers de Mad Max reste George Miller fait VRAIMENT du bien. C’est une façon de dire à ce public qui nous emmerde, formé sur l’ultra-respect mythologique des super-héros : « Non, c’est moi, George Miller, qui suis en pleine possession des éléments de l’univers de Mad Max. Vous n’êtes pas les gardiens de la flamme sacrée. C’est moi le chef. ». Ça fait du bien que le pouvoir revienne aux créateurs et ne soit plus entre les mains des soi-disant puristes qui nous agacent et empêchent les films d’être à la hauteur des fantasmes qu’on y projette. 

SUPER POP CULTURE

Entre 1985 et aujourd’hui, Mad Max n’a cessé d’inspirer plein de choses. Le manga, avec entre autres Ken le survivant, le cirque nouveau, avec Archaos et le Cirque du Soleil, le jeu vidéo, avec Borderlands ou encore Rage… Et là, avec Fury Road, on a la sensation que George Miller reprend tout en disant : « C’est à MOIIIII !!! ». J’ai vu le dernier Mad Max en me disant que j’étais devant la meilleure adaptation de Ken le survivant, la meilleure adaptation d’un jeu comme Borderlands, la meilleure transposition d’un spectacle d’Archaos à l’écran, bref, j’ai vu le film comme un énorme opéra rock, un manga live, un spectacle de cirque totalement fou, une coupe transversale dans les fétiches de culture pop actuelle. Mad Max : Fury Road arrive, par la vision de George Miller, à tout re-centraliser sur le cinéma. Comme si Miller disait : « Le cinéma reste le carrefour premier et essentiel de la pop culture. Vous n’y pourrez rien, le jeu vidéo ne pourra pas encore vous donner ce que moi je peux vous donner. ». D’ailleurs, ce qui est intéressant, c’est que pour certains gamins, ce dernier Mad Max est plus une adaptation de Borderlands qu’un nouvel épisode d’une trilogie qu’ils n’ont peut-être jamais regardée. Il faut accepter ça. Certaines mythologies finissent par infuser tout le paysage pop et à un moment donné, il y a une résurgence, et les gens finissent par se dire : « Ah oui, en fait ça vient de là ! »


ACTION = ÉCRITURE

Mad Max : Fury Road est un film qui va remettre les compteurs à zéro sur le plan de l’action. Il y a ici une viscéralité hallucinante. Il ne faut pas oublier que Miller est un ancien toubib et qu’il sait ce qu’est un corps mutilé. Et par ailleurs, il ne cesse de le rappeler à travers une quantité de détails organiques ! Dans Fury Road, le corps humain est replacé au centre du jeu, du spectacle. L’investissement du cascadeur est revalorisé à travers la mécanique filmique, aussi démentielle soit-elle. Et tout ça permet de raconter des histoires, contrairement à ce que peuvent dire ceux qui attaquent le film sur la base de la simplicité de son script. Ce qui me fascine, c’est qu’il faut pour certains « spectateurs cinéphiles » des scénarios totalement abscons avec des dialogues emberlificotés – comme dans le dernier Avengers par exemple pour prétendre avoir affaire à une « vraie » histoire. Dans Fury Road, tout passe par la mise en scène, les jeux de regards, le choix des axes de caméra. Si les gens veulent voir des personnages débiter des couillonnades, ils n’ont qu’à aller au théâtre ! Ici, on revient à l’essence même du cinéma dans son expressivité.  [...]

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