LYNCHLAND EMPIRE

Alléluia ! David Lynch sort enfin de sa retraite : nouvelle saison de Twin Peaks sur le petit écran, ressortie de Mulholland Drive, Twin Peaks : Fire Walk with Me et Eraserhead sur le grand… Comment ne pas se réjouir de redécouvrir 40 ans de cauchemars poétiques et d’inventions hallucinées ?
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Il a suffi de deux mots pour tirer les cinéphiles du monde entier de leur torpeur engourdie : Twin Peaks. Bon sang, David Lynch est de retour. Il revient nous hanter, abandonnant son atelier de peintre, délaissant les pots de peinture et les animaux en putréfaction. Si l’on excepte une captation de concert (Duran Duran : Unstaged en 2011) et un clip pour Nine Inch Nails (Came Back Haunted en 2013), le chantre du bizarre n’a rien tourné depuis Inland Empire (2006), son film-somme de trois heures où cohabitaient jusqu’à l’éblouissement – et l’écoeurement – différents personnages, différents temps et différents espaces. En 2017, la France, qui l’a toujours aimé et soutenu, lui déroule le tapis rouge. Trois longs-métrages ressortent dans des copies restaurées et à des dates entourant la diffusion de la nouvelle saison de Twin Peaks sur Showtime : Mulholland Drive (le 10 mai chez Tamasa Distribution), Twin Peaks : Fire Walk with Me et Eraserhead (le 31 mai chez Potemkine, les deux remasterisés en 4K). Évidemment, on a une petite pensée émue pour les jeunes cinéphiles qui n’ont peut-être jamais eu la chance de « vivre » la sidération provoquée par ce cinéma, et qui devraient sortir de la salle en transe avec le crâne cerné d’une couronne de points d’interrogation. Ces ressorties auront comme première vertu de permettre, aussi bien à l’addict qu’au béotien, de parcourir une filmographie sur près de 40 ans et de mesurer l’ampleur du génie à l’oeuvre, dédoublant depuis des décennies des personnages en proie aux troubles de l’intériorité dans des appartements-labyrinthes. Un univers méandreux à ce point disséqué par des thuriféraires voyant à juste titre des connexions intimes et secrètes avec Browning (Freaks), Buñuel (Un chien andalou), Hitchcock (Sueurs froides) et Kubrick (Lolita) que l’on en oublie de dire l’essentiel : à quel point ce cinéma-là ne ressemble qu’à lui-même – il a même droit à cet (atroce) adjectif de « lynchien » que les cinéphiles utilisent pour qualifier un film halluciné sortant des rails. Et à quel point personne ne s’en remet. 

TÊTE À EFFACER

La preuve de son impact : 40 ans après sa sortie en 1977, personne n’a oublié Eraserhead, ni même le jour, le lieu, et la manière dont on a découvert ce coup d’essai foudroyant où les zones d’ombre de la psyché sont soudain mises en lumière. Avec un minimalisme de rigueur et un scénario quasi inexistant (« 24 pages de poésie libre »), Lynch illustre ce cauchemar de couple dans lequel un homme (Jack Nance, venu d’ailleurs) est non seulement abandonné par son amie, mais doit aussi et surtout gérer seul un enfant prématuré. Un univers fantasmatique s’ouvre ainsi à lui, tel un exutoire. Et la « femme du radiateur » de surgir, chantant « In heaven, everything is fine ». On imagine volontiers la déroute des trois quarts des spectateurs dans la salle. De même que l’on imagine volontiers ceux, marginaux solitaires, qui sont restés jusqu’au bout du générique, touchés par l’épiphanie devant ces éblouissantes dernières images. C’est donc vrai ? Cette usine à rêves qu’est le cinéma peut nous extirper du réel ? Qui est donc le génie qui, de la façon la plus brutale et la plus poétique, nous fait autant de bien ?
Gaspar Noé, qui nourrit la même fascination que David Lynch pour la monstruosité, a fait partie de ces premiers spectateurs maraboutés : « Quand je suis arrivé en France, mon plus gros choc cinématographique a été la découverte de Eraserhead. Je me souviens encore d’un article sur le film qui, à l’époque s’intitulait Tête à effacer, signé par le critique Michel Perez où il écrivait que c’était une horreur, un cauchemar à fuir. Lire un article très négatif sur un film peut parfois donner envie de le voir. Ainsi, aussitôt après l’avoir lu, je me suis précipité dans un bus pour me rendre dans la salle de cinéma la plus proche. Et bien sûr, j’ai adoré. » Kubrick découvre lui aussi ce météore à la même époque et témoigne sa plus vive admiration à Lynch. Une déclaration qui touchera le réalisateur d’Elephant Man, fan absolu de Lolita, « jusque dans son âme ».
Quarante ans après Eraserhead, sorti de manière confidentielle, le revival Twin Peaks est, lui, attendu comme le messie. Un retour longtemps promis dans cette Am&eac [...]

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