LOU ET L’ÎLE AUX SIRÈNES de Masaaki Yuasa
Lou et l’île aux sirènes
Treize ans qu’on attendait le retour au long-métrage du petit génie frappadingue responsable du fêlé du casque Mind Game. Treize ans durant lesquels il a apposé sa patte sur une poignée de projets plus (la série « rené-laloux-esque » Kaiba) ou moins (un épisode pour le célèbre feuilleton US Adventure Time) confidentiels, et oeuvré à quelques mémorables collaborations (le film omnibus Genius Party où l’on retrouve également Nicolas de Crécy ou Kôji Morimoto, un épisode pour Space Dandy de Shinichirô Watanabe). Et malgré l’hallucinante qualité de la plupart de ces efforts (comme la fabuleuse série Ping Pong the Animation, visible chez nous sur Crunchyroll), Masaaki Yuasa n’avait jamais retrouvé un projet capable de capitaliser sur sa formidable singularité tout en lui permettant de s’extraire d’un cercle d’amateurs éclairés (car malgré sa notoriété dans les milieux autorisés, Mind Game est une oeuvre dont le jusqu’au-boutisme plastique reste forcément clivant). Du coup, l’annonce l’année dernière de non pas un, mais deux longs-métrages signés Yuasa avait de quoi nous faire frétiller les neurones. Sauf qu’il y a peu de chances qu’on voie de sitôt le premier d’entre eux, The Night Is Short, Walk on Girl (sorti en avril au Japon), relecture de la série confidentielle The Tatami Galaxy du même Yuasa, où un jeune homme revit en boucle ses mauvais choix liés aux différents clubs d’étudiants qu’il choisit au début de chaque épisode. Heureusement, le deuxième (sorti au Japon en mai) nous parvient grâce aux bons soins d’Eurozoom, et se présente, sur le papier, comme l’antithèse de The Night Is Short, Walk on Girl… et même du reste de la filmographie de Yuasa.
UN AIR DE GHIBLI
Dans une petite ville de pécheurs plongée dans l’ombre par un énorme piton rocheux vit Kai, jeune homme taciturne qui a dû quitter Tokyo pour suivre son père après que celui-ci s’est séparé de son épouse, une célèbre danseuse. Composant de la musique électronique pour tuer le temps, Kai n’a le goût à rien, même lorsque deux camarades de classe, Yuho et Kunio, lui proposent de rejoindre leur groupe de pop rock. Mais lorsque le garçon s’aperçoit que ses morceaux semblent attirer une adorable sirène aux étranges pouvoirs appelée Lou, son attitude va peu à peu changer. De même que le village et ses habitants, persuadés par de vieilles légendes que les sirènes n’apportent que le malheur aux humains…
Un petit air de Miyazaki dans le pitch ? Rassurez-vous, c’est voulu ! Car la première source d’étonnement dans Lou et l’île aux sirènes, c’est bien la filiation inattendue entre la star de Ghibli et Yuasa, qui n’est pas vraiment le poulain sur lequel on aurait misé pour reprendre réellement le flambeau du godfather de l’animation jap’. Il faut bien avouer que, ces dernières années, la presse mondiale a eu tendance à hurler au nouveau Miyazaki à chaque film animé nippon lâché dans les salles possédant une approche un minimum poétique (même Makoto Shinkai y a eu droit pour Your Name). Mais là, impossible de ne pas faire le rapprochement : ado renfrogné, créature merveilleuse, conflits inter-espèces et intergénérationnels, sous-texte écologique, « kawaiitude » de certains personnages (à commencer par Lou, très proche de Ponyo)… Clairement, le studio Science Saru cofondé par Yuasa avec sa complice Eun Young Choi cherche, pour son premier projet à vocation internationale, à occuper un créneau bien précis en reprenant à son compte des codes qui ont fait leurs preuves (le récit rappelle d’ailleurs beaucoup l’oeuvre d’un autre maître, à savoir le manga Kaikisen : retour vers la mer de Satoshi Kon ; ce qui, renseignement pris, semble être une pure coïncidence). Un positionnement qui pourrait sembler étrange pour l’un des chantres les plus acharnés d’une animation libre et destroy affranchie des règles en vigueur. Mais en dépit de ce constat, Lou… reste un pur film de Masaaki Yuasa. Et forcément, ça change tout.
LOU DE MER
Ça ne nous avait jamais paru évident, et pourtant : le style de Yuasa se prête parfaitement à l’exercice du merveilleux familial. Déjà par la nature maussade de son héros, qui perpétue une longue tradition de personnages « yuasiens » voués à s’ouvrir à un monde qui a lui-même tout int&eacut [...]
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