Les zombies dévorent les séries

Une décennie après le début du phénomène The Walking Dead, l’arrivée de la série coréenne Kingdom sur Netflix marque un renouvellement des séries de morts-vivants. Autopsie d’un sous-genre devenu mainstream qui n’en finit pas de hanter les écrans.
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Il est un temps que les Madeux de moins de 30 ans ne peuvent pas connaître (soupir…). Une époque – les années 80 –, où René Chateau choisit comme slogan pour ses vidéocassettes de films d’horreur : « Les films que vous ne verrez jamais à la télévision. ». Pouvait-il imaginer que, des décennies plus tard, le Zombie de George Romero trouverait largement son égal en matière de gore au sein de la meute de cadavres ambulants qui fascinent les téléspectateurs du monde entier ?



LE ROYAUME DES ZOMBIES
Avec, aujourd’hui, la superproduction coréenne Kingdom (voir encadré) et, avant elle, The Walking Dead, Z Nation, iZombie, In the Flesh, les « deadites » démoniaques de Ash vs Evil Dead ou encore les marcheurs blancs de Game of Thrones, le genre zombiesque est devenu télévisuellement bankable. Gloire soit rendue à l’adaptation gonflée d’un comic book édité en 2003 en noir et blanc (« C’était plus économique » selon son créateur Robert Kirkman) et devenu phénomène d’édition. L’adaptation télé de The Walking Dead débarque sept ans plus tard, mais rate pourtant le coche : ce ne sera pas la première série télé à mettre en scène des zombies !
Cet honneur revient à Dead Set, une mini-série britannique de 2008 créée par Charlie Brooker, une satire horrifique où l’invasion zombie est vécue du point de vue des candidats d’une émission de téléréalité réfugiés dans leur studio. Les créatures sont véloces et étripent leurs victimes dans un véritable bain de sang alors inédit sur petit écran. Avant-gardiste et sarcastique, Brooker n’hésite pas à provoquer des électrochocs pour réveiller son public et attirer son regard sur les dérives de « la société du spectacle ». Sa dénonciation de la téléréalité n’aurait été qu’un simple pamphlet sans cette attaque inexpliquée de morts-vivants qui poussera producteurs et protagonistes du jeu dans leurs plus absurdes retranchements. Si Dead Set n’a que modérément marqué les esprits (la faute à ses trop discrètes diffusions françaises), elle annonce pourtant le projet suivant de Brooker, l’anthologie Black Mirror, qui pose le même regard cynique sur les dérives de notre société via des éléments de la culture geek et pop.
Visiblement, nos cousins britanniques sont des précurseurs : quatre décennies plus tôt, en 1968 (l’année où sort La Nuit des morts-vivants), ils osent montrer chaque semaine à la télévision un mort revenu à la vie. Dans chaque épisode, une ribambelle de défenestrations, d’accidents de voiture, de strangulations, de crashs d’avions… et la victime de ressurgir quelques secondes après le drame. Le prince des zombies, quant à lui, arbore un teint blafard et apparaît dans un cimetière dans le générique introductif. Et comme dans le récent iZombie, le héros de la série est lui-même un mort-vivant ! Tout cela passe pourtant totalement inaperçu, 32 semaines durant, sur la chaîne ITV en fin d’après-midi. Personne ne fait le rapprochement avec les créatures chères à Romero. Et pour cause : les morts ne sont pas zombifiés… mais « mysteronnés » ! Produite par Gerry et Sylvia Anderson, Captain Scarlet (Captain Scarlet and the Mysterons en VO) met en scène des marionnettes, comme dans leur grand classique Les Sentinelles de l’Air ! (cf. Légendes de ce numéro p.98) : l’idée initiale était de tuer le personnage principal en plein milieu de saison pour le remplacer par un autre. Finalement, notre héros mourra dès le premier épisode pour être ressuscité, et fera un aller/retour dans l’au-delà à chaque aventure ! Plus influencés par la science-fiction que par le fantastique, les Anderson imaginent une puissance extraterrestre invisible, les Mysterons de Mars, qui tuent puis « reconstruisent » littéralement leurs victimes. Parmi ces dernières, l’agent Scarlet, sans peur et sans reproche, qui échappe à leur contrôle et lutte contre les autres morts-vivants diaboliques. Abrités derrière le label « série de marionnettes destinée aux enfants », les Anderson peuvent donc, dès le premier épisode, montrer un personnage mort-vivant se faire exploser pour tenter d’emporter dans la déflagration un haut dignitaire mondial. Non contents d’être des zombies, les antagonistes sont clairement des terroristes !




OUTRE-TOMBE OUTRE-ATLANTIQUE
Cependant, les défunts contrôlés par les Mysterons ne se nourrissent pas de chair humaine, acte tabou (à la fois d’un point de vue moral et visuel) sur le petit écran des années 60. Même constat de l’autre côté de l’Atlantique, où les créatures qui peuplent les comédies télé que sont La Famille Addams et Les Monstres se cantonnent aux classiques vampires, loups-garous, et simili-créature de Frankenstein. Même bestiaire une décennie plus tard dans le soap opera quotidien Dark Shadows. Les années 70 arborent toutefois ponctuellement des zombies en « guest » dans les séries gothiques de l’époque : dans Dossiers brûlants, le journaliste Kolchak affronte un défunt dès le deuxième épisode ; dans The Cemetery, la toute première histoire de l’anthologie Night Gallery de Rod Serling, un mort sort de sa tombe pour venger son assassinat ; et quand l’épisode Une clé pour l’au-delà de la série Le Sixième sens – qui débute par la vision cauchemardesque d’un mort se dressant hors de sa sépulture – est diffusé en France en plein après-midi dans La Une est à vous, quelques enfants se réjouissent… et d’autres sont traumatisés (suite à un cortège de plaintes, des ordres seront donnés pour que les séries de ce type soient réservées à la toute fin d’après-midi). Même dans les années 80, l’anthologie Histoires de l’autre monde (Tales from the Darkside), pourtant produite par Romero lui-même, n’aborde que très rarement ses créatures fétiches, comme à l’occasion de l’épisode A Case of the Stubborns avec son grand-père qui refuse son propre trépas !
Les années 90 filent sans éviscération télévisuelle, et l’on notera tout juste le cas du gardien cadavérique qui présente chaque épisode des Contes de la crypte, ainsi que le bien mauvais épisode MillenniuM de la série X Files. Les portes de l’enfer s’ouvrent en grand au début des années 2000 via les consoles de jeu avec le succès de la franchise Resident Evil, puis sur grand écran avec le triplé 28 jours plus tard/L’Armée des morts/Residen [...]

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