N’allez pas dire à Brad Bird que cette suite est opportuniste… Même si au fond, elle l’est inévitablement. « Je n’ai pas tourné Les Indestructibles 2 pour faire plaisir aux fans » affirme le réalisateur. « J’avoue que ça m’a un peu déprimé quand on n’a pas arrêté de me suggérer sur les réseaux sociaux de tourner tel ou tel film. C’était : « Pouvez-vous réaliser le 8e Iron Man ? Pouvez-vous faire le 17e Star Wars ? Pouvez-vous tourner la suite du Géant de fer, ou un remake en live-action ? ». Quand j’ai commencé à m’intéresser au cinéma, je me disais : « Francis Coppola va tourner au Vietnam ? C’est cool. Martin Scorsese veut faire une comédie musicale qui se déroule dans les années 40 ? Super ! ». Je ne me disais pas : « Si seulement il pouvait tourner un autre Taxi Driver. ». J’aimerais que les gens perdent un peu leurs habitudes. Le plus intéressant, c’est quand les artistes prennent des directions inattendues. Ne vous méprenez pas, les séquelles ne me dérangent pas. J’en ai déjà tourné deux, et certains de mes films préférés sont des suites. Mais il faut continuer à explorer d’autres choses. » Ces « autres choses » sont bel et bien présentes dans Les Indestructibles 2, dont le cadre déjà établi permet surtout à Bird de zapper une phase d’exposition potentiellement laborieuse. Via une scène d’interrogatoire inspirée du court-métrage Jack-Jack Attack, le film reprend exactement là où l’original nous avait laissés. Par la magie de l’animation, les quatorze années qui séparent les deux épisodes sont annulées : à l’écran les personnages n’ont vieilli que d’une poignée de secondes, comme les membres de la famille Simpson entre la saison 1 et la saison 27. Bird ayant longtemps travaillé sur la série de Matt Groening, la comparaison n’est pas forcément due au hasard.



COUP DE PRESSION
Si Les Indestructibles 2 semble avoir pris son temps pour atteindre les salles obscures, sa conception a été pour le moins mouvementée, voire légèrement précipitée par la maison mère Disney. Greenlighté du jour au lendemain en mai 2015, soit dix jours seulement avant l’échec au box-office d’À la poursuite de demain, le projet est subitement avancé d’un an, afin que le studio puisse se concentrer plus longtemps sur le développement de Toy Story 4. Grâce à son CV et son influence, Bird obtient tout de même d’inscrire noir sur blanc un passe-droit au sein de son contrat : il pourra assumer l’écriture en solo, sans passer par la case de la writer’s room et des pitchs à rallonge qu’affectionne tant Pixar. Pendant des mois, l’équipe avance selon des directives plus ou moins orales de Bird, et pour cause : le cinéaste a appris durant la conception du Géant de fer à s’isoler des pressions extérieures, comme le démontre le fabuleux making of Le Rêve du géant, inclus dans l’édition signature éditée par Warner Bros. en février 2017. Narré par Bird en voix off et retraçant les grandes étapes de sa carrière, de ses crayonnages d’adolescents jusqu’aux responsabilités que lui confie en 1996 Warner Animation, le documentaire d’une heure met en lumière une personnalité sacrément torturée. Bird apparaît incompatible avec le système des studios, allergique au conditionnement corporate, et incapable de garder son calme face à des conflits qu’il juge absurdes. Lorsqu’une productrice préfère défendre les investisseurs plutôt que l’oeuvre elle-même, ses cris r&e [...]