Légendes : Roy Ashton

Son prestige et sa réputation, le mythique studio Hammer les doit aussi à Roy Ashton. Un artisan de l’ombre qui exerce ses talents et son imparable savoir-faire à la fabrication de monstres. De la momie de La Malédiction des pharaons au lycanthrope de La Nuit du loup-garou, lumière sur la première partie d’une carrière placée sous le signe de l’inventivité et du renouvellement…
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Si, de la fin des années 50 au milieu des années 70, la firme Hammer doit beaucoup à ses producteurs (Michael Carreras, Anthony Hinds), scénaristes (Jimmy Sangster et Anthony Hinds sous le pseudonyme de John Elder), réalisateurs (Terence Fisher, Roy Ward Baker…) et interprètes (Christopher Lee, Peter Cushing…), la contribution de certaines « petites mains » à sa réussite est également essentielle. Des chefs-opérateurs, directeurs artistiques, ainsi que des maquilleurs à l’instar de Philip Leakey et, justement, Roy Ashton.
Au moment de ses premières collaborations avec la Hammer, en 1957, Ashton a déjà un solide parcours derrière lui. Né le 16 avril 1909 à Perth, Australie, Roy Ashton grandit à Menzies dans une fratrie de quatre dont il est le cadet. Une famille aisée, son père étant directeur de la seule banque locale et sa mère, Nellie Melba, connaissant une certaine célébrité en tant que concertiste et chanteuse. D’ailleurs, c’est sur les pas de cette dernière que le jeune Roy aborde la première partie de son existence. « Elle nous a transmis, à mes frères et moi, la passion de la musique, de l’art lyrique. Il était naturel que, à mon tour, je veuille devenir chanteur » confie-t-il. Lorsque son pays natal est touché à son tour par la Grande Dépression, Roy Ashton abandonne des études d’architecture qui le ne passionnent guère et s’exile à Londres dès 1932. Il y rejoint les élèves de la Central School of Arts and Crafts dont il sort un an plus tard, expert dans la confection et la pose de perruques. Entre la Gaumont British, Gainsborough Pictures et London Films – soit trois des sociétés de production les plus actives de l’époque –, Roy Ashton est d’abord l’apprenti du vétéran de l’expressionnisme allemand Norman Rosenthal, qui brille par sa maîtrise de l’application de postiches divers et la fabrication d’extensions capillaires en harmonie avec la chevelure réelle… « De la préparation du travail à travers des croquis à la confection des prothèses, Norman Rosenthal m’a tout enseigné » reconnaît-il. Son premier film est Marie Tudor, reconstitution historique qui nécessite surtout perruques et fausses barbes. Suivent notamment Cerveaux de rechange, dans lequel il teint les cheveux de Boris Karloff, Doctor Syn, Prison sans barreaux (sur lequel il est pour la première fois responsable des maquillages)… Une expérience de cinq ans dont Roy Ashton sort aussi compétent… que frustré. « Le métier ne me convenait pas » explique-t-il. « Tout en consacrant de longues heures aux maquillages, je ne rêvais que de musique. D’ailleurs, je ne faisais pas qu’en rêver : je la pratiquais sur un piano qui constituait alors mon bien le plus précieux. Oui, je dois l’avouer : je n’aimais pas trop la profession de maquilleur. »



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Avec l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne et la mobilisation générale contre le Reich, Roy Ashton prend ses distances avec pinceaux et postiches ; il est incorporé dans la Royal Air Force en tant qu’instructeur des soldats affectés à la surveillance radar, puis intègre un département secret de l’armée en charge de l’invention d’armes « cachées », tels le parapluie empoisonneur et le stylo explosif ! Du pur James Bond.
Après avoir diverti les recrues avec des spectacles musicaux, Roy Ashton achève sa période de conscription en se produisant devant la Reine Mary et les princesses Elizabeth et Margaret. Rendu à la vie civile dès les premiers jours de 1946, titulaire d’une bourse, il suit pendant une année les cours de la Royal Academy of Music. « J’ai amorcé là l’une des périodes les plus heureuses de ma vie » raconte-t-il, aux anges le jour où il rallie la troupe du British Opera Group du compositeur Benjamin Britten. Il y donne de sa voix de ténor sur les scènes de la Scala de Milan, de l’Opéra de Paris, de Covent Garden à Londres, ainsi que du Metropolitan de New York. « Les meilleures choses ont une fin » se désole Roy Ashton. « Si je prenais un immense plaisir à évoluer dans cet environnement et à entendre les applaudissements, les cachets étaient bas, et les engagements incertains, jamais garantis. En 1952, je me suis résigné à revenir au cinéma. Il ne s’est pas passé longtemps avant que j’y retrouve du travail ! » Et pas sur n’importe quels films, puisqu’il s’agit d’abord du Moulin Rouge de John Huston et du Dossier secret d’Orson Welles. Surtout du second. « Tout le défi tenait à fixer un faux nez sur celui, très petit, d’Orson », sourit le maquilleur. « La chaleur était telle lors du tournage en Espagne qu’il n’arrêtait pas de tomber ! »
Roy Ashton passe ensuite au polar (Le crime était signé de John Guillermin, Police internationale de John Gilling), au film de guerre (Les Diables du désert de Guy Green), et même à une série B de science-fiction, Fire Maidens from Outer Space, pour laquelle il crée un patibulaire extraterrestre au masque noir… Un coup de peinture et c’est torché. Pour ce retour au maquillage, plus encore que Dossier secret, un titre compte pour Roy Ashton : Invitation à la danse, une comédie musicale de Gene Kelly qui se tourne partiellement à Londres. Pourquoi ce film en particulier ? Il y sert sous les ordres de Phil Leakey, un professionnel aguerri, reconnu. « Nous nous sommes si bien entendus qu’il m’a bientôt appelé pour lui donner un coup de main » raconte Roy Ashton qui, sans le savoir, négocie là le tournant de sa carrière. « Phil Leakey avait d’urgence besoin d’un assistant sur Frankenstein s’est échappé ! et il a fait appel à moi. C’est ainsi que je suis devenu l’un des collaborateurs les plus réguliers de la Hammer. Peu après, il m’a rappelé pour deux ou trois jours de travail supplémentaires sur Le Cauchemar de Dracula. Je m’en souviens bien car, ne trouvant pas de place devant les studios de Bray, j’ai garé ma voiture tout près de ce que je croyais être un cimetière abandonné. Phil s’est aussitôt manifesté pour me dire que je profanais là l’un des décors du film. » Film sur lequel, pour les besoins de la dernière scène, il fixe des incisives de vampire sur Christopher Lee et aide à la pose d’une fine couche de peau artificielle sous laquelle se trouve une poussière n’attendant qu’un frottement pour se libérer.
Phil Leakey et Roy Ashton se retrouvent sur une troisième et dernière production Hammer en commun : La Revanche de Frankenstein. Pourquoi une dernière ? Parce que Leakey claque la porte de la firme, furieux que le producteur Anthony Nelson Keys ait modifié la nature de son contrat dans le seul but d’économiser quelques pennies. Il laisse par conséquent tomber Le Chien des Baskerville, que Keys confie immédiatement aux bons soins de son apprenti. Roy Ashton ne se précipite pas sur l’offre, guère enclin à profiter des ennuis d’un ami et maître respecté. Mais Phil Leakey lui conseille vivement d’accepter l’offre. Ce qu’il fait, adoubé. « Cette première fonction de responsabilité chez Hammer n’a pas présenté de grandes difficultés » considère-t-il. « J’ai surtout créé une moustache pour André Morell et appliqué une petite cicatrice sur le front de Peter Cushing. Le molosse, lui, a demandé beaucoup plus de travail. Pour lui donner un air aussi féroce que possible, j’ai imaginé une sorte de masque très poilu que j’ai fixé sur la tête d’un grand danois appelé Major. Presque aussitôt, portant ses pattes derrière ses oreilles, il s’est mis en devoir de l’arracher tout en le mordant ! » Un fiasco. Pas d’autre choix pour le réalisateur, Terence Fisher, que de limiter au maximum les apparitions [...]

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